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Obligeons les riches à rester chez eux
George Monbiot, The Guardian, 2006
Traduit par Bruxelles Air Libre
Si nous voulons éviter que la Terre devienne une cocotte-minute, il faut tout simplement que nous cessions de voyager à la vitesse que permettent les avions.
Les lignes de front ont enfin été tracées, et la première grande bataille au nom du changement climatique va bientôt commencer. Dans toute la Grande-Bretagne, une coalition de propriétaires et d’anarchistes, de nimbys et d’internationalistes, est en train de se former pour combattre la principale cause prochaine du réchauffement climatique : la croissance de l’aviation.
Tous ces gens ne se tracassent pas pour la biosphère. Certains sont seulement préoccupés par le fait que leur maison va être rasée au bulldozer ou parce que, se retrouvant sous des couloirs aériens, ils n’auront plus jamais une nuit décente. Mais tout un chacun qui a un jour rallié une vaste coalition sait quel est le pouvoir de ce mélange d’idéalisme et d’intérêt personnel opiniâtre.
Le secteur aéronautique l’a compris et il a déjà pris sa revanche. La semaine dernière, le « Guardian » a reçu un exemplaire non autorisé d’un projet de traité entre l’Union européenne et les Etats-Unis qui empêcherait la Grande-Bretagne de prendre la moindre mesure visant à réduire l’impact des compagnies aériennes sur l’environnement sans avoir d’abord reçu le visa du gouvernement des Etats-Unis.
Cet accord n’est pas le premier du genre, bien qu’il soit celui qui ait le plus large rayon d’action ; la Convention de Chicago de 1944, qui est maintenant renforcée par 4.000 accords bilatéraux, stipule qu’aucun gouvernement ne peut percevoir de taxe sur le carburant aéronautique. Les compagnies aériennes ont été nourries au biberon pendant toute leur existence.
Le gouvernement britannique admet que le seul domaine où il est « libre de réglementer indépendamment des autres pays » est le développement aéroportuaire ; il pourrait freiner ou inverser la croissance des vols en limitant la capacité des aéroports. Au lieu de cela, il essaie de nous amadouer pour construire une troisième piste à Heathrow et des extensions similaires à Stansted, Birmingham, Edimbourg et Glasgow. Douze autres aéroports ont déjà annoncé des projets d’extension.
Selon l’Environmental Audit Committee de la Chambre des Communes, la croissance prévue par le gouvernement nécessitera « l’équivalent d’un nouvel Heathrow tous les 5 ans ». La prédiction la plus juste de George Orwell dans « 1984 » était la mutation de la Grande-Bretagne en « piste numéro un » (Airstrip One).
Déjà maintenant, un cinquième du nombre total de passagers des vols internationaux décolle d’un aéroport du Royaume-Uni ou atterrit dans un aéroport du Royaume-Uni. Les chiffres ont été multipliés par cinq au cours des 30 dernières années, et le gouvernement (britannique - NdT) s’attend à ce qu’ils doublent ou plus d’ici à 2030 pour atteindre 476 millions par an. Mais « s’attend à » n’est pas le terme exact. En fournissant de la capacité, le gouvernement fait en sorte que cette croissance se réalise.
En ce qui concerne le changement climatique, c’est une catastrophe complète et sans précédent. Pas seulement parce que l’aviation représente la source de croissance la plus rapide des émissions de dioxyde de carbone. La combustion de carburant aéronautique a un « facteur de forçage radiatif » de 2,7 ; ce qui signifie que l’effet total de réchauffement des émissions des aéronefs est 2,7 fois plus grand que l’effet du dioxyde de carbone seul. La vapeur d’eau qu’ils génèrent forme des cristaux de glace dans la troposphère supérieure (traînées de vapeur et cirrus) qui emprisonnent la chaleur de la Terre.
Selon les calculs faits par le Tyndall Centre for Climate Change Research (Centre Tyndall pour la recherche sur le changement climatique), si l’on additionne les deux effets (avec une certaine prudence, car ils ne sont pas directement comparables), les émissions des seuls aéronefs dépasseraient de 134% l’objectif que s’est fixé le gouvernement pour la production totale de gaz à effet de serre du Royaume-Uni en 2050. Le gouvernement britannique dispose d’un moyen efficace pour résoudre ce problème : il exclut de l’objectif les émissions des aéronefs internationaux.
Le gouvernement (britannique - NdT) ne s’engagera pas dans un débat honnête, parce qu’il n’y a pas moyen de concilier ses projets avec ses allégations en matière de développement durable. En enquêtant pour mon livre sur la manière dont nous pouvons parvenir à une diminution de 90% des émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2030, je me suis rendu compte, à ma grande surprise, que toutes les autres sources de réchauffement climatique peuvent être réduites ou remplacées dans cette proportion sans que cela entraîne une grave diminution de nos libertés. Mais il n’y a pas moyen de maintenir les déplacements rapides sur des grandes distances.
Le secteur aéronautique prétend qu’il peut réduire ses émissions grâce à des progrès technologiques. Mais, comme le fait remarquer la Royal Commission on Environmental Pollution, ses objectifs « sont manifestement des aspirations plutôt que des projections » ; Il existe certaines contraintes technologiques élémentaires qui empêchent de tabler sur des grandes améliorations.
Le premier problème est qu’un modèle d’avion a une durée de vie extrêmement longue. Le Boeing 747 vole encore 36 ans après avoir quitté les planches à dessin. Le Tyndall Centre prévoit que le nouvel Airbus 380 volera encore, « sous une forme progressivement modifiée », en 2070. Pour passer à des modèles moins polluants, il faudrait envoyer à la ferraille la flotte existante.
Certains concepteurs ont exploré l’idée des « ailes volantes » (blended wing bodies) : des avions aux ailes creuses où pourraient s’asseoir des passagers. En principe, l’économie réalisée sur la consommation de carburant pourrait aller jusqu’à 30%. Mais cette idée, tout comme sa sécurité et sa stabilité, est loin d’être démontrée. Il n’y a cependant rien de mieux en perspective. Selon les mots de l’Advisory Council for Aeronautics Research in Europe : « Il y a un consensus sur le fait que le rythme d’amélioration des moteurs conventionnels ralentira considérablement au cours des 10 prochaines années. Et, même si le rendement des moteurs augmente, cela ne résoudra pas nécessairement le problème. Les moteurs ayant un meilleur rendement ont tendance à être plus bruyants (et donc encore moins acceptables pour les riverains) et à produire plus de vapeur d’eau (ce qui signifie que leur impact total sur le climat pourrait être encore plus important). Même si la promesse la plus ambitieuse d’une réduction de 30% pouvait être concrétisée, elle ne compenserait qu’une fraction de l’accroissement de la consommation de carburant résultant de l’augmentation de la demande.
Les compagnies aériennes évoquent régulièrement les avions à hydrogène, mais, en admettant que les problèmes technologiques pourront un jour être surmontés, ces avions représenteraient une catastrophe encore plus grande les modèle actuels. « En passant du kérosène à l’hydrogène, dixit la Royal Commission, on remplacerait le dioxyde de carbone émis par les aéronefs par un triplement des émissions de vapeur d’eau ». La production de biocarburants nécessiterait plus de terres arables qu’il n’y en a sur notre planète. Le gouvernement britannique admet que « il n’y a pas de solution de rechange actuellement en vue pour remplacer le kérosène comme carburant aéronautique ».
Les chiffres les plus récents dont on dispose sur la consommation de carburant tant des navires de passagers rapides que des trains à grande vitesse donnent à penser que leurs émissions de dioxyde de carbone sont comparables à celles des avions. Cela signifie que si nous voulons éviter que la Terre devienne une cocotte-minute, il faut que nous cessions de voyager à la vitesse que permettent les avions.
C’est une notion que comprennent assez bien la plupart des gens que je croise. Mais elle n’a eu absolument aucun retentissement sur leur comportement. Quand j’interpelle des amis au sujet de leur projet de week-end à Rome et de leurs vacances en Floride, ils répondent avec un sourire distant et bizarre et ils évitent mon regard. Ils veulent simplement se payer du bon temps. De quel droit est-ce que je leur gâche leur plaisir ? La contradiction morale est abasourdissante.
Malgré les allégations concernant les effets démocratiques du voyage à bon marché, 75% des gens qui voyagent avec les compagnies à bas prix appartiennent aux catégories sociales A, B et C. Les personnes ayant une résidence secondaire à l’étranger font en moyenne six vols aller-retour par an, tandis que les gens appartenant aux catégories sociales D et E ne prennent quasiment jamais l’avion ; ils ne peuvent pas se permettre de partir en vacances et leur part dans la totalité des vols n’est que de 6%. La plus grande partie de la croissance (du transport aérien - NdT), selon le gouvernement britannique, sera le fait des 10% de citoyens les plus aisés. Mais les personnes qui sont les plus affectées et qui seront les plus durement touchées par le changement climatique comptent parmi les plus démunis de la Terre. Les sécheresses qui sévissent en Éthiopie, exposant des millions de gens à la famine, sont déjà imputées au réchauffement de l’Océan indien. Quelque 92 millions de Bengalis pourraient être chassés de leurs foyers au cours de ce siècle pour que nous puissions continuer à faire du shopping à New-York.
Prendre l’avion a des conséquences mortelles. Nous le savons tous, et nous le faisons tous. Et nous ne cesserons pas de le faire tant que le gouvernement n’inversera pas sa politique et ne fermera pas les pistes.
Ecrit par Cherche l'info, le Samedi 1 Avril 2006, 16:39 dans la rubrique "Bruit et pollution des avions ".
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Le commentateur n'a pas désiré laisser son identité.
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J'ai des doutes sur la traduction du paragraphe suivant?? Les chiffres les plus récents dont on dispose sur la consommation de
carburant tant des navires de passagers rapides que des trains à grande
vitesse donnent à penser que leurs émissions de dioxyde de carbone sont
comparables à celles des avions. Cela signifie que si nous voulons
éviter que la Terre devienne une cocotte-minute, il faut que nous
cessions de voyager à la vitesse que permettent les avions.
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C'est un fait, le transport aérien est de plus en plus imbuvable. C'est un fait de notre société qui conduit à l'utiliser sans aucune contrainte alors qu'objectivement ce devrait être le moyen de transport le plus contraint. Cela ne changera pas de sitôt sauf le jour ou, pour les Américains, le cyclone Katrina apparaitrait comme une ondée un peu forte.
Le réchauffement des océans est aujourd'hui la principale menace, bien plus que la montée des eaux. Les modèles montrent que les typhons vont augmenter dans les zones à risques et apparaitre ailleurs; le Canada pourrait être touché rapidement. L'Europe est protégée par le Gulf Stream mais il a déjà perdu 30% de sa puissance, et il est menacé par l'adoucissement créé par la fonte des glaces du Groenland et du Pôle Nord.
Je crains toutefois que l'auteur de l'article se trompe de cible avec le voyage à grande distance; l'attaquer est inutile et dessert la cause des opposants. Par contre, les court-courriers et dans une certaine mesure, les moyen-courriers sont remplaçables. Pour un investissement certes coûteux mais sans aucune mesure avec le coût de protection des populations des dommages liés au réchauffement, il est possible en Europe et aux Etats Unis de développer en 20 ans un réseau complet de TGV de deuxième génération qui remplacerait totalement le trafic aérien "local".
Les gares, comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour certains, seraient exclusivement dans les aéroports afin de profiter de leurs infrastuctures et de complémenter le transport à longue distance. Les temps de trajet seraient sensiblement plus longs mais pas insupportables, surtout si on tient compte des encombrements d'aéroport et d'espace aérien qui vont devenir à terme ingérables.
De plus, l'Internet permet de s'occuper pendant les trajets, chose qui restera toujours problématique en avion et l'on peut imaginer facilement un confort de niveau hotelier dans un train qui sur les moyennes distances, permettra d'économiser une nuit d'hôtel au profit du transport. Un train qui se déplace à 350km/h peut couvrir au moins 2500 km sur une nuit, ce qui suffit à traverser l'Europe et à éliminer tous les court-courriers et la majorité des moyen-courriers.
Un Maglev(magnetic levitation) bien que excessivement cher, permettrait même de gagner du temps sur les liaisons les plus fréquentées.
L'avenir du transport n'est pas aérien, c'est évident. La question est de savoir quand les "responsables", en fait totalement irresponsables, vont se rendre compte de cela et prendront les mesures qui s'imposent! Ils sont animés par les mêmes raisonnements qui ont mis 20 ans à admettre que l'amiante posait quelque problème et qu'il faudrait peut-être sans passer! Ces connards ont créés la plus grande catastrophe écologique de tous les temps (en compétition avec Tchernobyl!) qui ne sera rien à côté de ce que le transport aérien nous prépare.....
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SURVOLDELAHULPE
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MOI DE MEME, cet article est excellent mais effectivement dire que le train à grande vitesse est aussi polluant que l'avion me paraît excessif. Il doit sans doute sagir d'une erreur de traduction due à ce qu'on appelle un FAUX AMI.
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