On en
revient toujours au même débat philosophique des nuisances aériennes :
est-il « juste » de souffrir pour épargner la même souffrance à un
autre individu ? le postulat est bien entendu qu’il n’est pas possible de
réduire la souffrance globale.
Ainsi, au
risque de contredire un avis accepté d’office, est-il juste que 30000 personnes
soient survolées plutôt que 75000 autres ? l’argument densité des zones
survolées est intellectuellement attrayant mais si on se place au niveau de l’individu,
qu’il soit seul à être réveillé ou en compagnie de milliers d’autres ne modifie
en rien son problème, ni même la légitimité ou non de la nuisance qu’il subit.
La
dispersion des nuisances est-elle juste ou est-ce la concentration qui l’est?
Y a-t-il un raisonnement logique qui permette d’arriver à un avis circonstancié ?
A priori,
la seule « justice » serait de s’assurer que tout le monde trinque « un
peu » et de manière égale et mesurable. Est-ce sûr ? Serait-il plus juste
que le million de Bruxellois soient réveillés de temps à autre plutôt qu’une petite dizaine plusieurs fois par nuit ?
Il n’y pas,
me semble-t-il de réponse satisfaisante et encore moins de raisonnement éthique
qui permette de se forger une opinion.
Si cela est
vrai, les argument du Noordrand n’ont guère plus de valeur que ceux du Westrand.
Il semble pourtant que d’avoir construit sa maison en dessous des avions pour
profiter des prix bas et puis demander la dispersion est du dernier « injuste »
pour ceux qui ont construit au calme ; mais l’argument qui consiste à
constater que de s’être installé à l’aplomb d’une piste inutilisée ne
permettait pas d’en empêcher l’usage le jour ou cela s’avère nécessaire n’est
guère moins pertinent.
Ce qui est
sûr, c’est que ce débat sur ce qui est juste, bien entendu mâtiné de
communautaire, n’a amené rien de positif. Le nombre de victimes a littéralement explosé
et on voit mal comment une amélioration pourrait être
simplement acceptée et encore moins mise en œuvre. Bien pire, l’échec des
recours à la justice, a fermé une porte de régulation qui aurait permis d’imposer
un droit de justice, pas nécessairement étayé mais accepté par toutes les
parties à défaut d’autre méthode utilisable.
On s’étonne
du manque de réaction de la société civile devant l’absence d’obéissance de l’exécutif
aux décisions des juges ; on peut se poser la question si ce n’est pas un
sentiment de fragilité du droit qui fait que les gens se tiennent à l’écart. Au
pire, les cours de justice elles-mêmes sont peu soucieuses du manque de suivi
de leurs décisions, sachant combien leurs bases juridiques sont difficiles à équilibrer.
Le souci
permanent de légitimer le conflit par toutes les parties, conflit qui je le crains
n’offre pas de solution par cette voie, amène progressivement une situation de
pourrissement dont profite des éléments extérieurs, soit pour justifier leur
immobilisme, soit pour augmenter les nuisances sans crainte d’être sanctionné.
Cet aspect
des choses me semble avoir peu d’antécédent, et cela explique l’absence de
proposition concrète. Il me semble pourtant que l’on pourrait sortir du piège
en syndicalisant la réflexion de différents intellectuels respectés de la
société qui pourraient proposer des alternatives sur la façon de gérer les nuisances aériennes indépendamment
de cas d’espèce et en dehors de toute position partisane; il serait
inconscient pour les hommes politiques de ne pas tenir compte de ces
propositions qui recevraient certainement un soutien non équivoque des groupes citoyens.
Nous devons
être attentif au fait que si nous connaissons une période de paix sans
précédent en Europe, c’est parce que nous avons des structures pacifiques mais
efficaces de résolution des conflits. Les populations sont acquises à ces
mécanismes et cette confiance permet aux parties qui « perdent » dans
les confrontations d’accepter sans révolte violente les jugements, ressentis
comme impartiaux.
Ce ne
serait pas une bonne nouvelle que de
constater que sur la question des
nuisances aériennes, ces mécanismes ne sont définitivement plus d’application.
à 13:02