Source : Novethic (février 2006)
Pour les environnementalistes britanniques, l'année 2006 est une année décisive. Le livre blanc sur les prévisions de l'augmentation du transport aérien doit être révisé à la fin de l'année. Dénonçant l'incompatibilité de la politique aérienne annoncée avec la lutte contre le changement climatique, les campagnes se multiplient pour demander au gouvernement de freiner l'évolution du trafic aérien et de taxer celui-ci à son juste coût environnemental.
En 2005, le tourisme mondial a connu une progression de 5,5 %, et la barre des 800 millions de touristes a été franchie. Selon l'Organisation mondiale du tourisme, qui livrait il y a peu le bilan de l'année 2005, la reprise initiée en 2004 (10 % d'augmentation) se poursuit. Pour 2006, on s'attend à une progression de 4 à 5 %, malgré trois grandes incertitudes, la crainte du terrorisme, la flambée du prix de l'énergie et la propagation de la grippe aviaire. Mais globalement, la confiance dans ce secteur phare de l'économie mondiale reste entière. Ces chiffres inquiètent de plus en plus de citoyens britanniques, comme en témoigne le Guardian (29/01/2006). Ayant pris conscience de l'impact environnemental de l'avion, des éco-citoyens décident de limiter leurs voyages, de privilégier le train ou des destinations plus locales. Un site et une campagne viennent même d'être lancés (voir lien) pour inviter les gens à réduire leur " consommation " d'avion, via une promesse d'engagement, en or, si la personne ne prend pas l'avion pendant un an, en argent si la personne se limite à un long courrier ou à deux vols courts. Le but est d'atteindre, à terme, un nombre de promesses record pour demander à l'Union européenne de " taxer " le carburant des avions pour limiter son expansion.
Ces " objecteurs de conscience écologiques ", qui fustigent la prolifération des vols pas chers ne sont pas que des écologistes purs et durs, témoigne le journal. En janvier 2006, l'un des plus influents voyagistes, fondateur il y a vingt ans de l'équivalent du Guide du routard, a annoncé son intention de limiter ses voyages en avion, et de prendre ses vacances d'été en Grande-Bretagne. Il informera même ses lecteurs de l'impact du transport aérien !
Des habitudes très difficiles à modifier
En 1970, rappelle le Guardian, 32 millions de voyageurs empruntaient les aéroports britanniques, ils sont aujourd'hui plus de 200 millions, et les conséquences ne sont pas neutres : un aller-retour en Floride équivaut aux émissions d'une voiture pendant un an, et un aller retour Londres-Edinburgh émet huit fois plus que le même trajet en train. Les associations militant pour des transports plus durables rappellent que les Anglais, numéro deux en volume de voyages en avion derrière l'Allemagne, pourraient atteindre six de leurs dix destinations favorites par des trains à grande vitesse.
Pour modifier les comportements, les campagnes interpellant directement le gouvernement pour qu'il change sa politique de développement aérien montent en puissance. Elles sont à la mesure de l'enjeu environnemental. 2006 est une année décisive car le livre blanc sur les prévisions du transport aérien à l'horizon 2030 doit être révisé à la fin de l'année. Dans la version actuelle, le gouvernement annonçait une explosion du trafic aérien (500 millions de passagers attendus) et annonçait donc la création de 6 nouvelles pistes dans tout le pays. Les associations ont vivement dénoncé depuis l'impossibilité pour le pays d'assurer le respect du protocole de Kyoto dans ces conditions. La Grande-Bretagne souhaite réduire ses émissions de 60 % d'ici 2050, mais ces prévisions ne prennent pas en compte l'aviation (exclue du dispositif de Kyoto) qui représente pourtant 15 % des émissions actuelles, et pourrait atteindre 65 % du total des émissions en 2050, si l'explosion du trafic se produit.
Taxer le transport aérien
La très active campagne
Airport Watch (Aéroports sous surveillance) qui regroupe des organisations telles que Greenpeace, Les Amis de la terre, ou Transport 2000, martèle depuis plus de cinq ans que cette activité polluante bénéficie d'exonérations de taxes inadmissibles. Avec humour, les responsables de la campagne expliquent que si " dans les 25 ans à venir, le carburant des avions, à ce jour non taxé, était taxé au même taux que celui des voitures, et si la TVA s'appliquait aux billets d'avion, l'augmentation prévue du transport aérien serait réduite de moitié, annulant de fait la nécessité de construire de nouvelles pistes en Grande-Bretagne. "
Car les " compensations " que proposent de payer ou de faire payer les compagnies (comme British Airways), pour planter un quotas d'arbres censés compenser les émissions de CO2, ou financer un programme de développement d'énergies renouvelables à l'autre bout du monde, ne rassurent pas du tout les associations.
Le gouvernement fera t-il un choix responsable pour l'avenir des ses citoyens en prenant des mesures fortes dès la fin 2006 ? Pour John Stewart, responsable d'une des campagnes, il y a des raisons d'être optimiste car la mobilisation contre l'extension des aéroports est de plus en plus forte, les gens étant conscients de la menace qu'ils représentent pour le climat. Mais, modère John, le gouvernement ne souhaitera peut-être pas bouleverser l'industrie de l'aviation et risquer de se mettre à dos l'opinion publique. Plus grave, dans son édition du 20 février 2006, le Guardian révélait, en exclusivité, un projet de traité très inquiétant sur la libéralisation du transport aérien. Il pourrait être signé entre l'Europe et les Etats-Unis, et qui rendrait impossible toute décision " environnementale " à un pays de l'Union ... sans l'aval américain.
à 23:12