Bruxelles-National: Question orale de Mme Isabelle Durant au ministre de la Mobilité sur «l’attitude du gouvernement fédéral sur les dernières propositions de la Région flamande quant au survol de Bruxelles» (nº 3-840)
Sénat - Séance plénière du 17 novembre 2005, Extrait du compte rendu intégral (Annales 3-133)
Mme Isabelle Durant (ECOLO).
– Je me réjouis que le ministre de la Mobilité soit présent. Nous n’avons en effet pu discuter correctement de ce problème la semaine dernière.
Un accord entre la Région flamande et la Région bruxelloise s’avérant très difficile, sinon impossible, vous avez choisi, monsieur le ministre, de faire diversion, de botter en touche et de présenter, demain, au Conseil des ministres un projet de loi visant à régler la méthode. Cela prouve bien que ce problème relève bel et bien de votre compétence et j’aimerais en l’occurrence que vous exerciez réellement cette compétence.
Je relève deux paradoxes. Le premier est que la méthode que vous voulez imposer est une méthode à laquelle n’auraient jamais résisté le plan actuel de dispersion de votre collègue Anciaux ou les propositions formulées jusqu’ici par la Région flamande.
En effet, si tous les critères de la méthode avaient été appliqués, jamais la situation actuelle n’aurait été acceptée en matière de sécurité et de dispersion. Les dernières propositions sont mauvaises pour tout le monde et cela n’a rien à voir avec le fait que l’on soit Bruxellois ou Flamand. Elles sont mauvaises aussi pour la sécurité – je me réfère au rapport de Belgocontrol – et même pour l’activité économique de l’aéroport.
Sans doute espérez-vous que pendant que vous faites diversion avec un projet de loi, les régions trouveront un accord entre elles ? C’est ce que j’appelle la stratégie de l’exaspération, de l’épuisement, pour ne pas dire du pourrissement.
Deuxième paradoxe : à quoi bon discuter d’une méthode si l’on ne respecte pas les compétences de chacune des entités ? Voilà qui nous ramène aux propos tenus par M. Reynders, même si je ne partage pas son point de vue concernant ce dossier. Il n’empêche, son raisonnement est défendable et doit valoir dans ce cas-ci : le fait que le fédéral exerce d’abord sa compétence ne peut d’ailleurs que le rendre plus crédible et plus fort dans les discussions avec ceux qui ne sont pas compétents mais qui sont néanmoins concernés par la mesure. Arrêtons donc de tourner en rond. Que le fédéral fasse en sorte qu’une décision intervienne concernant les trajectoires des avions. J’attends du fédéral – en particulier des ministres francophones – une prise de position face aux propositions flamandes qui sont absolument inacceptables en raison non seulement de leurs conséquences pour la qualité de vie et la sécurité mais aussi de leurs implications économiques. Exporter le problème vers les régions est la meilleure méthode pour ne jamais aboutir, pour créer une instabilité juridique et causer de nombreux problèmes aux personnes exposées. Au lieu d’arbitrer, vous reportez le problème sur la Région bruxelloise qui, elle-même, s’affaiblit dans une discussion qu’elle ne devrait pas avoir à mener avec la Flandre. Cette discussion devrait se dérouler au Comité de concertation. Une fois que vous aurez pris vos responsabilités, ce dossier devrait être soumis pour concertation aux régions, y compris la Région wallonne qui est absente du débat alors qu’elle pourrait y être associée.
Monsieur le ministre, me confirmez-vous qu’une discussion est bien prévue demain, en Conseil des ministres, sur un projet de loi relatif à la méthode ? Quel est votre calendrier à ce sujet ?
Quelle est la position du gouvernement fédéral à l’égard des dernières propositions dont le caractère inacceptable a incité les Bruxellois à quitter le lieu des discussions ?
M. Renaat Landuyt, ministre de la Mobilité.
– Depuis mon arrivée au gouvernement fédéral, des corrections ont été apportées au plan de dispersion afin de nous conformer aux décisions des juridictions.
Depuis la décision relative à l’application des normes de bruit bruxelloises, il se pose un problème de nature institutionnelle. Antérieurement, un juge avait décidé que ces normes ne devaient pas être suivies parce qu’elles étaient irréalistes. Actuellement – en attendant la décision en Cassation – ces normes doivent toutefois être respectées, au moins une juridiction en Belgique ayant décidé que ces normes de bruit bruxelloises sont des normes à suivre. Or, respecter ces normes de bruit reviendrait à fermer l’aéroport. Telle est la situation juridique.
Pour sortir de ces difficultés, il faut un minimum de stabilité. Dans ce dossier, qui a acquis une dimension institutionnelle, la stabilité ne peut être atteinte qu’avec l’accord du plus grand nombre possible de politiques.
Si, en tant que ministre responsable, je constate que les choses n’avancent pas assez rapidement, je peux prendre mes responsabilités en utilisant une autre méthode. Celle-ci consiste à faire en sorte que la manière suivant laquelle le ministre responsable doit prendre ses décisions soit décrite dans un texte de loi. Quand ils disposent d’une loi, les juges peuvent mieux contrôler la mise en œuvre desdites décisions.
Si j’insiste pour que l’on élabore une loi, c’est pour avoir un mandat plus précis du législateur et éviter que les juges ne doivent se prononcer sur la pertinence d’une décision sans disposer des preuves nécessaires.
Depuis le 28 octobre, date à laquelle le gouvernement bruxellois a quitté la table des négociations, je m’emploie à reprendre la procédure qui était en cours en vue de l’élaboration de cette loi.
Le texte du projet se trouvant à l’heure actuelle sur la table du gouvernement fédéral est celui qui a été adapté en fonction des avis des Régions. Comme le prévoit la procédure législative, ce texte doit être soumis au Conseil d’État. Je dois cependant en discuter préalablement avec mes collègues du gouvernement.
Tel est l’état actuel de la situation.
Je puis vous dire que mes collègues me font toujours confiance et M. Reynders, ici présent, peut en témoigner.
Mme Isabelle Durant (ECOLO).
– Nous venons de connaître deux années de tergiversations et de jugements qui doivent être exécutés.
Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, des corrections ont été apportées aux textes en fonction desdits jugements, ce qui est tout à fait légitime puisque nous sommes encore dans un État de droit.
Il y a, à mon sens, une autre façon d’éviter les jugements. Il s’agit d’arriver, dans les faits, à une gestion un peu plus équilibrée de ce dossier.
Vous voulez obtenir un large consensus des hommes et des femmes politiques mais vous devez aussi avoir l’accord des personnes concernées. Ces gens sont capables de raisonner et ils sont aujourd’hui exaspérés de voir comment on les traite depuis un peu plus de deux ans.
J’estime qu’il y a d’autres façons de travailler et la vôtre n’est pas la bonne. Vous commencez par exaspérer les gens, puis vous arrivez avec une loi pour éviter des jugements. Je ne suis pas opposée, par principe, à une loi. Reste évidemment à voir quel sera son contenu.
Ce n’est pas ainsi que vous parviendrez à un accord et il sera très difficile, y compris pour les Régions, de trouver une entente. Vous déclarez être sur la même longueur d’onde que M. Reynders – et je suis ravie de l’entendre –, et c’est donc tout le gouvernement fédéral qui exporte sa responsabilité fondamentale en se couvrant par une loi sur la méthode.
Il s’agit du non-respect des compétences et des responsabilités de chacun. Les normes bruxelloises n’empêchent pas le fonctionnement de l’aéroport. Si tel était le cas, cela ferait longtemps qu’il serait à l’arrêt.
Il faut respecter les compétences régionales mais aussi les vôtres, soit celles du gouvernement fédéral.
Vous devez opérer un arbitrage et vous avez en mains tous les éléments pour le faire, y compris pour éviter les astreintes. Je suppose que vous connaissez à fond le dossier et tout ce qui concerne, notamment, les normes relatives aux vents, la sécurité, les trajectoires et les pistes. Il est temps de trancher plutôt que de laisser pourrir la situation.
Même si, demain, vous présentiez cela comme une formalité à laquelle viendraient s’associer tous les ministres du gouvernement fédéral, je ne serais pas du tout rassurée quant à l’évolution et à la suite que prendrait ce dossier.
M. Renaat Landuyt, ministre de la Mobilité.
– Au bout de quelques mois, je pense connaître assez bien ce dossier et même sa genèse. Mais je refuse de prendre, comme cela s’est fait en décembre 1999, des décisions à la fois trop hâtives et unilatérales.
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