Dans la région autrichienne du Vorarlberg, la construction en bois est séculaire. Depuis une vingtaine d'années, l'architecture traditionnelle y est réactualisée en même temps que se développent les concepts de maisons " basse énergie " et " solaire passive ". Des primes locales permettent de construire sainement et économiquement.Dominique

LE MONTAGNEUX Vorarlberg, c'est la région solaire numéro 1 en Europe. Dans cette province située à l'extrémité occidentale de l'Autriche, les panneaux solaires couvrent en effet une surface de 165 000 mètres carrés, soit près d'un demi-mètre carré par habitant. À titre de comparaison, en Autriche, la moyenne est de 0,19 mètre carré par habitant.

Dans la construction ou la rénovation, les décideurs locaux intègrent depuis vingt ans la culture, l'architecture, l'écologie et l'économie. Outre le solaire, le concept énergétique de la province du Vorarlberg accorde toute une série d'aides financières aux maîtres d'ouvrage qui utilisent des matériaux et produits qui correspondent aux critères de subvention. Des formations pointues et régulières sur les matériaux sains et l'écoconstruction sont aussi dispensées aux professionnels du bâtiment.

Les primes, réunies en une seule, encouragent d'abord les économies d'énergie dans le bâtiment. Par une isolation importante (de 20 à 30 cm !) et l'installation de panneaux solaires notamment. Ces aides encouragent de façon très large à construire le plus bio possible : pour la santé de la Terre et celle des occupants de la maison. En finale, on obtient des maisons saines à vivre, à faible consommation d'énergie, utilisant un maximum de matériaux propres et locaux. Le tout, sans aucune obligation pour le citoyen, par ailleurs sensibilisé par de larges campagnes d'information et par l'importante publicité faite par les fabricants et distributeurs locaux de matériaux écologiques.

Les primes régionales sont octroyées au m2, avec un maximum de superficie par nombre de personnes occupant l'immeuble. Les subventions peuvent ainsi atteindre 10 000 € pour un particulier. À condition que les matériaux déclarés soient bien ceux mis en oeuvre, après vérification sur place par un organisme agréé.

Plus une construction reçoit de points et donc d'aides de la province dès la réception du bâtiment, plus elle est écologique et plus sa valeur augmente sur le marché de l'immobilier. L'étalage de mesures, une cinquantaine, englobe cinq thèmes qui permettent d'emmagasiner jusqu'à 300 points convertis en euros.

" Les banques offrent même des conditions spéciales aux emprunteurs qui envisagent la construction d'une maison intégrant l'écologie dès sa conception sur plan ", explique Harald Gmeiner de l'Institut de l'énergie du Vorarlberg. Cet organisme se charge de contrôler les subventions et développe la construction écologique dans cette région. Au début, l'Institut ne s'occupait que d'énergie et de chauffage. Sa mission s'est ensuite élargie, pour optimiser aujourd'hui les bâtiments dans leur ensemble. En 20 ans, plus de 5 000 logements ont été ainsi construits dans cet État fédéral qui ne compte pourtant que 330 000 âmes.

Ces constructions écologiques coûtent 3 à 4 % de plus que les structures traditionnelles, mais leur faible consommation énergétique en fait des championnes d'économies.

" Outre la qualité de l'enveloppe et les consommations en général, de nombreux points entrent en ligne de compte pour l'obtention de points (verts). On en reçoit ainsi davantage si le PVC est exclu pour les gouttières, portes et châssis. Si les peintures sont sans solvant, si le bois est labellisé FSC ou indigène... L'éclairage halogène est par contre pénalisé, tandis que les éventuels champs électromagnétiques de l'installation électrique sont mesurés ".

Dans une généreuse banque de données, maîtres d'ouvrage, architectes et entrepreneurs trouvent tous les matériaux et technologies correspondant aux critères de subvention. Que ce soit pour rénover une maison typique en bois de la vallée du Rhin, construire du neuf, des logements sociaux, voire ériger une exploitation agricole ou autre.

" Un guide permet au candidat bâtisseur d'élaborer un cahier des charges pour son futur bâtiment. Son but : vivre dans une maison de qualité, réduire l'emprise au sol et la prédation de ressources non renouvelables. Ceci, afin notamment d'atteindre les objectifs de Kyoto ".

Dans ce domaine, le Vorarlberg a au moins vingt ans d'avance sur nous.
www.energieinstitut.at ou www.oekobox.at
Nature & Progrès : 081/32 30 63 natpro.bioconstruct@skynet.be

Ils déclinent avec justesse tradition et esprit contemporain
Dominique Gauzin-Müller est architecte et passionnée de bois. Cette Française installée en Allemagne, par ailleurs conférencière et journaliste, connaît bien l'architecture bois du Vorarlberg. Elle a notamment publié de nombreux ouvrages sur les maisons écologiques.

Quelle est la spécificité des nouvelles constructions dans le Vorarlberg ?
Les artistes locaux du bâtiment mettent l'accent sur une simplicité qui n'a rien à voir avec la banalité. Ils déclinent avec justesse tradition locale et esprit contemporain.

Les habitants sont plus sensibles qu'ailleurs à l'écologie ?
Comme dans les pays germaniques, il existe une conscience citoyenne qui incite de plus en plus d'architectes et de maîtres d'ouvrage à concevoir, construire et habiter en respectant les principes de développement durable.

Comment arrive-t-on à une construction basse énergie ?
Il faut un volume simple et compact, un socle massif, des ouvertures judicieusement dimensionnées en fonction de l'orientation. L'application des principes bioclimatiques permet de réduire sensiblement la consommation d'énergie. On complète ces mesures de bon sens par des installations techniques performantes (capteurs, pompes à chaleur) et une optimisation de l'enveloppe : isolation renforcée des murs, de la toiture et du plancher bas du rez-de-chaussée. Les menuiseries doivent être étanches à l'air, avec un vitrage super isolant.

75 euros de charges pour se chauffer !
LE SOUTIEN systématique des installations thermiques solaires est pratiqué dans le Vorarlberg depuis 1990 déjà. Depuis lors, une attention plus particulière encore est accordée aux constructions de maisons à faible consommation énergétique et aux installations photovoltaïques. On dénombre aujourd'hui plusieurs centaines d'habitations d'architecture solaire dont le besoin thermique est inférieur à 40 kWh/(m2/an). Là-bas, des appartements regroupant huit familles consomment moins d'énergie que des maisons unifamiliales.

Une maison à Egg, dans la forêt de Bregenz, n'acquitte qu'une facture de 75 € par an pour le chauffage de 75 m2, en dépit du climat rigoureux de la région. Cette maison possède une façade en bois, un système de circulation d'air avec récupération de chaleur, des collecteurs solaires et une pompe à chaleur. Au total, la consommation annuelle de cette maison passive se limite à 42 kWh par mètre carré et par an.

Cette maison à Egg fait partie du projet CEPHEUS (Cost Efficient Passive Houses as European Standards), dans le cadre du programme Thermie de la Commission européenne. Ce sont 250 unités d'habitation qui ont à cette occasion été bâties dans cinq pays différents et sont suivies scientifiquement. L'Autriche compte à ce titre 116 habitations réparties en 10 lieux à Salzbourg, dans le Vorarlberg ainsi qu'en Haute et Basse Autriche.

Penser pratiquement, agir économiquement
AU DÉBUT des années 80, des architectes du Vorarlberg se rassemblent, quittent l'Ordre professionnel régional, et proposent une architecture d'émancipation. Radicale dans sa simplicité, cette architecture de la raison reflète l'identité du Vorarlberg d'aujourd'hui : entre artisanat et production industrielle, entre tradition et innovation.

Ces quelques dissidents, appelés Baukünstler ou artistes du bâtiment, veulent réunir affirmation régionale et écriture la plus contemporaine, technologie et écologie. Soucieuse des économies de matière et d'énergie, l'approche des Baukünstler est une synthèse entre ce qui est esthétiquement souhaitable, constructivement raisonnable et socialement justifiable. Les solutions apportées répondent au besoin de la société actuelle sans se départir des savoir-faire constructifs et de la culture régionale : le bois et ses métiers, l'habitat individuel, une urbanité de bourg... Les lignes sont pures, les volumes largement ouverts sur l'extérieur, les plans fonctionnels, le système constructif optimisé, les matériaux sains.

L'épanouissement de cette architecture quotidienne d'exception a été favorisé par trois facteurs : une réglementation peu contraignante, une collaboration étroite entre décideurs, usagers et concepteurs, et la compétence des entreprises. En particulier dans la filière bois.
www.bois-construction.org

un article de Vers L'Avenir