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Vols au-dessus d'un nid de cocus

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Benoît Gailly Professeur, UCL

La gestion des nuisances dues au trafic aérien de l'aéroport de Bruxelles National agite le Landerneau politique depuis plusieurs mois. De plans surréalistes en déclarations politiques sans lendemain, voilà bien un dossier auquel le citoyen ne comprend plus grand-chose. Maintenant que la fièvre électorale s'est apaisée, il est peut-être temps d'aborder ce sujet avec la rigueur et sérénité qu'il mérite, notamment en vue des discussions qui s'annoncent en septembre concernant la demande d'extension de DHL. Ce dossier commence par un paradoxe : les nuisances générées par l'aéroport n'ont jamais autant fait parler d'elles, alors que, ces dernières années, elles devraient avoir globalement diminué, notamment suite à la faillite de la Sabena et au retrait des modèles d'appareils les plus bruyants. Si la source du problème n'est pas en cause, que peut-on dire de sa gestion ? Deux éléments peuvent expliquer la gestion apparemment chaotique de ce dossier. Tout d'abord, à l'approche des élections, de nombreux décideurs et intervenants politiques étaient probablement plus intéressés à montrer qu'ils défendaient les intérêts de leur électorat plutôt que l'intérêt général. On a vu ainsi de nombreuses déclarations politiques visant plus à blâmer d'autres partis (c'est de la faute de X) que proposer des solutions concrètes. D'autre part, les différentes versions du « plan Anciaux » ont été basées, suite à une interprétation particulière de l'arrêt « Noordrand » du 10 juin 2003 (qui a été cassé depuis), sur un critère arbitraire de dispersion des nuisances, qui n'est ni équitable, ni efficace, ni raisonnable : il consiste à diviser la région autour de Zaventem en 6 zones géographiques (une de part et d'autre de chaque piste) et de considérer simplement que le plan optimal est celui où chaque zone reçoit la même « dose » de nuisance. Cette approche n'est pas équitable, car elle ne tient pas compte du nombre de personnes touchées et de la situation existant auparavant. Un avion qui survole 50.000 personnes ne crée pas une nuisance équivalente au même avion survolant 1.000 personnes. De plus, modifier une situation existante (par exemple à l'est de Bruxelles où le nombre d'atterrissages nocturnes a été multiplié par 20 depuis 2000) porte préjudice aux habitants de zones auparavant préservées, qui s'y sont installés sans être informés des nuisances futures et en payant donc le prix fort. Acheter une maison à coté d'une discothèque, c'est une chose... voir une discothèque venir s'installer à coté de chez vous, c'en est une autre... Cette approche n'est pas efficace, car elle mène à une augmentation du volume total de nuisances, les configurations de vols les moins bruyantes n'étant pas exploitées au mieux. Ceci est contraire à l'intérêt général, car cela accroît le préjudice causé par l'aéroport à la population, et cela conduit à accroître les coûts des programmes d'isolation (en augmentant le nombres de maisons touchées). Finalement cette approche n'est pas raisonnable, car elle mène à adopter des procédures de décollage et d'atterrissage qui sont peu compatibles avec les conditions météorologiques (vents dominants) et les contraintes de pilotage des avions. Ce serait dommage qu'il faille attendre un accident pour que l'on s'en rende compte... En bref, c'est minimiser les nuisances et le préjudice qu'elles causent à la population qui devrait être l'objectif du gouvernement, pas de les éparpiller. Imaginez si on appliquait la même logique aux déchets nucléaires, ou au transport routier... Les principes à mettre en oeuvre pour une politique responsable des nuisances dues au trafic aérien de l'aéroport de Bruxelles National relèvent du bon sens et du droit : - Aucun citoyen, de Bruxelles ou de Flandre, ne doit faire l'objet à cause de l'aéroport de nuisances excessives pouvant porter atteinte à sa santé (telle que définie par l'OMS). En d'autres mots, aucun emploi, à DHL ou ailleurs, ne vaut la mise en danger du bien-être des habitants. - Toute modification significative des activités de l'aéroport (et de leurs répercussions sur les habitants) suppose une consultation préalable des populations concernées et une concertation, comme c'est l'usage pour toute activité économique affectant son voisinage. - Le développement de l'aéroport doit se faire dans l'optique d'une minimisation du préjudice causé à la population dans son ensemble, et ce préjudice doit être accompagné de mesures compensatoires. Et le dossier DHL ? En suivant les principes mentionnés ci-dessus, la demande d'extension des activités de DHL devrait faire l'objet de la procédure suivante : 1)Identification de la meilleure configuration (minimisant les nuisances générées par les procédures de vols adoptées) rencontrant les souhaits d'extension de DHL ; 2)Evaluation de l'impact de cette configuration sur la population et du préjudice causé, et évaluation du coût des mesures compensatoires nécessaires pour préserver la santé de tous les habitants affectés ; 3)Si le coût est tel qu'il dépasse les retombées économiques positives du développement de DHL, sa demande d'extension doit être refusée. Ces retombées économiques doivent être mesurées en tenant compte des risques d'une délocalisation future de DHL (qui est possible, même si la demande d'extension est acceptée) et des alternatives (cet argent ne pourrait-il pas être mieux utilisé ailleurs ?). Beau devoir de rentrée pour nos politiques...
Ecrit par Cherche l'info, le Jeudi 9 Septembre 2004, 19:12 dans la rubrique "Bruit et pollution des avions ".