Une réflexion sur le transport aérien.
Quelques extraits de MOTEUR (Mobilité,Territoire, Energie, Usages Rationnels) n° 179 publié par Inter-environnement.
Aviation et climat: silence, citoyens!
En mars de cette année, la Commission européenne mettait en ligne une consultation publique sur le thème " réduction de l'impact sur le changement climatique de l'aviation ".
Nous avions relayé l'information le plus largement possible, notamment via votre revue électronique préférée (voir MoTEUR 167).
Le " tam-tam " a bien fonctionné : sur 5564 citoyen(ne)s européen(ne)s ayant répondu à la consultation, on compte 945 belges. 198 organisations (dont 79 ONG) - ont également rempli un formulaire de réponse (différent de celui à destination des citoyens).
Le rapport de la consultation est téléchargeable
[en cliquant ici]
Les résultats sont, " environnementalement parlant ", très positifs.
Parmi les citoyens, 95% sont d'accord (82% entièrement et 13% plutôt) pour faire participer le secteur des transports aériens aux efforts pour combattre les changements climatiques.
Quant aux organisations, c'est 99,5% d'entre elles qui se sont déclarées d'accord avec cet objectif (89,7% entièrement et 9,8% plutôt).
Un élément majeur : 32,2% des citoyens ne rentraient pas dans la catégorisation caricaturale proposée (riverains ennuyés par le bruit ou travailleurs du secteur), prouvant si besoin est que mobilisation citoyenne n'est pas synonyme de syndrome nimby.
Les organisations étaient également interrogées sur les outils à mettre en place. Elles devaient proposer un premier et un second choix. Pour le premier, la taxation du kérosène remporte la palme (35,9%). Pour le second, ce sont (32,1%) les taxes liées aux émissions et/ou aux impacts (les impacts sur le climat étant au moins 2,7 fois plus importants que les seules émissions de CO2). Ceci en conformité avec les commentaires spontanés de nombres de citoyens estimant qu'il faut réduire la demande dans ce secteur.
Mais les compagnies aériennes et les constructeurs ont largement condamné ces options, préférant l'intégration de l'aviation dans le système européen d'échange de quotas d'émission. Cette arme absolue doit en effet permettre de réaliser la quadrature du cercle: assurer la croissance du transport aérien (moteur de l'économie) tout en réduisant ses impacts sur le climat.
C'est le point de vue des acteurs économiques qu'a retenu la Commission européenne, arguant du fait que "la consultation étant basée sur une auto-sélection des personnes concernées par cette problématique, les points de vue exprimés dans les réponses ne peuvent pas être considérés comme représentatifs des points de vue des parties prenantes".
Nous savions la Commission peu encline aux démarches démocratiques, mais ce rejet " argumenté " de l'expression citoyenne nous semble particulièrement dangereux. Alors, abandonner la partie, ne plus répondre aux consultations de la Commission? Non, ce serait rentrer dans son jeu. Il est au contraire primordial de continuer à s'inscrire dans ces démarches de démocratie participative afin de les faire vivre.
Vers une aviation écologique?
Les aéronefs utilisés actuellement pour le transport de passagers ne présentent pas une meilleure efficacité énergétique que ceux qui étaient en service il y a cinquante ans. Les déclarations de l'industrie aéronautique se félicitant d'une amélioration 70% de l'efficacité énergétique sont fausses.
Telles sont les conclusions d'une étude réalisée par le laboratoire aérospatial national hollandais (National Aerospace Laboratory - NLR -
http://www.nlr.nl) et publiée le 07 décembre par T&E (fédération européenne pour le transport et l'environnement) à l'occasion de la journée de l'aviation civile internationale, intitulée cette année: " vers une aviation écologique " . L'étude (
téléchargeable sur le site de T&E), qui fait le point sur l'efficacité énergétique des avions (historique et tendances futures), a été commandée afin de vérifier l'exactitude des déclarations de l'industrie aéronautique.
En effet, les grands groupes industriels (tels l'Association Inter-nationale du Transport Aérien - IATA) déclarent que: " les avions intégrant les flottes actuelles présente une efficacité énergétique 70% meilleure qu'il y a 40 ans. " (
Voir "IATA Environmental Review 2004").
Le NLR, un institut de recherche aérospatiale de renommée internationale, révèle que le calcul des 70% ne prend en compte que les améliorations réalisées depuis l'apparition des avions à réaction.
En ignorant volontairement que ceux-ci étaient moins " sobres " que les avions à hélices des années cinquante.
L'étude du NLR montre également que même les progrès réalisés durant l'ère des jets sont fortement exagérés.
Ainsi, la référence utilisée dans le calcul des 70% est le De Havilland Comet 4, le jet le plus gros consommateur de carburant jamais construit.
De plus, le NLR émet de sérieux doutes sur les possibilités d'améliorations futures annoncées par l'industrie, soulignant que " beaucoup d'études relatives aux gains futurs ont tendance à être assez optimistes. "
T&E a tenu à rendre publiques les conclusions du rapport à l'occasion de la journée de l'aviation civile internationale pour mettre en lumière l'incapacité totale de l'ICAO à prendre les mesures nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport aérien - une responsabilité qui lui a été confiée lorsque le protocole de Kyoto a été signé, en 1997.
Pour le moment, rien n'a été entrepris, malgré le fait que les émissions de ce secteur augmentent de 4% par an - plus vite que celles des autres modes de transport. Une résolution adoptée lors de la dernière assemblée générale de l'ICAO en octobre 2004 interdit même aux Etats d'introduire des redevances proportionnelles aux émissions !
Pour les associations d'environnement, les conclusions à tirer de l'étude du NLR sont claires. L'industrie a délibéré-ment induit le public en erreur à propos de son incapacité à améliorer l'efficacité énergétique des avions. Les possibilités d'améliorations techniques futures étant faibles, les gouvernements ont la responsabilité de mettre en place des mesures ambitieuses afin de réduire les émissions polluantes des avions, et donc leur contribution croissante aux changements climatiques.
A titre d'exemple, rappelons qu'au niveau de l'Europe des Quinze, les émissions de CO2 du secteur aérien étaient de 82,4 millions de tonnes en 1990. Soit 2,7% du total des émissions européennes. En 2000, elles avaient augmenté de 58% et représentaient 4,2% des émissions totales, soit 129,9 millions de tonnes.
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Transport aérien et développement durable
A quelques opérateurs économiques près, les avis sont unanimes : il faut maîtriser la demande de transport. Ceci est notamment vrai pour le transport aérien. La demande doit même être, à terme, diminuée. Ceci dans une logique de développement durable. Au point de vue environnemental, il est indispensable, pour protéger le climat planétaire, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur (en pleine explosion), c'est-à-dire de diminuer ses activités. D'un point de vue économique, il est irresponsable d'investir massivement dans un secteur à ce point dépendant d'une ressource énergétique en voie de raréfaction. D'un point de vue social, la qualité de vie des riverains d'aéroports, la santé publique et la création d'emplois gagneraient à une diminution des activités du secteur. Concernant ce dernier point, plusieurs études démontrent que le passage vers une politique de mobilité plus durable (diminution de la demande et transfert vers les modes moins polluants) est générateur d'emploi.
à 23:19