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Substances chimiques: la société civile se mobilise !

R.E.A.C.H.: sous cet acronyme à la sonorité un peu inhabituelle, se cache un projet de règlement (1) européen sur les substances chimiques. R.E.A.C.H. signifie registration evaluation and authorization of chemicals, soit le projet de règlement relatif à l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation de mise sur le marché des substances chimiques.
Ce projet de règlement a fait l’objet de vifs débats. Son objectif est de mettre en place des procédures d’évaluation des substances chimiques utilisées dans l’Union européenne: plus de 100.000 substances circulent actuellement, entrant dans le processus de fabrication de nombreux biens de consommation courante. Pour 95 % d’entre elles, on ne sait rien de leur propriétés toxicologiques et des dangers qu’elles représentent… Or actuellement, l’autorité publique ne peut retirer une substance du marché qu’après avoir elle-même prouvé sa toxicité avec 100% de certitude, ce qui est pratiquement infaisable et fait fi du principe de précaution. Reach propose d’inverser la charge de la preuve: désormais ce sont les industriels à qui il incombera de faire la démonstration de l’innocuité de leurs produits.
Car ces substances chimiques se retrouvent partout: le World Wildlife Fund (2) a ainsi retrouvé un total de 55 substances chimiques toxiques dans le sang des ministres européens de l’environnement! Parmi ces produits, certains sont utilisés dans les fauteuils traités pour résister au feu, les poêles anti-adhésives, les cartons à pizza anti-graisse, le PVC flexible ou dans certains parfums et pesticides. Bref dans des produits courants qui se retrouvent dans nos maisons. Plusieurs de ces substances ont été interdites depuis des décennies, mais beaucoup d'autres sont toujours utilisées aujourd'hui.

Greenpeace qui poursuit également une campagne contre les substances chimiques dangereuses a analysé également les poussières des maisons et des bureaux (3). L’étude conclut à une présence massive de substances chimiques dangereuses dans l’environnement domestique. Par exemple, l’étude montre que chaque gramme de poussière collectée en Belgique contient en moyenne à peu près 1 milligramme des 5 familles de substances étudiées (ester de phtalates, composés organoétains, retardateurs de flamme bromés, alkyl phénols et paraffines chlorées à chaînes courtes), substances qui sont bioaccumulables, peu biodégradables et potentiellement toxiques. La valeur maximale de 2,9 mg/g a été retrouvé au... Parlement européen mais les cabinets ministériels présentaient également des concentrations inquiétantes.

En Belgique, la société civile a souhaité également manifester son intérêt pour le programme européen REACH et a apporté ses remarques et ses revendications dans un manifeste rendu public fin 2004. Ce manifeste, écrit à l’initiative des quatre fédérations de protection de l’environnement (Inter-Environnement Wallonie, Inter-Environnement Bruxelles, Bond Beter Leefmilieu et Brusselse Raad voor het Leefmilieu), Greenpeace et WWF comporte 7 revendications:
1. Que l’autorisation de mise sur le marché ne soit accordée aux substances les plus dangereuses que si aucune alternative n’existe, c’est-à-dire que le principe de substitution soit obligatoirement appliqué.
2. Si cela n’est pas possible, l’autorisation ne peut être que temporaire et assortie de conditions strictes.
3. L’information fournie par l’industrie sur les produits doit être suffisante.
4. Le principe de No data no Market (pas de données pas de marché) doit être appliqué par exemple pour une entreprise qui ne remplit pas les données d’enregistrement.
5. Il est nécessaire de développer au plus vite des alternatives aux tests sur les animaux.
6. Les produits importés doivent remplir les mêmes conditions que ceux produits au sein de l’Union européenne.
7. L’information au public doit être facilement accessible notamment sur les substances contenues dans les biens de consommation courante.

Le «Manifeste du 22 novembre 2004 pour une législation efficace sur les substances chimiques» a été remis lors d’une conférence de presse au Parlement à Bruno Tobback , Ministre fédéral de l’environnement. Cinquante associations représentant le monde de la santé (Société scientifique de médecine générale, Fédération belge contre le cancer, Fondation pour la prévention des allergies, Fédération des maisons médicales…), le monde de l’environnement (Natagora, Pan Belgium, Eco-Vie…), le secteur de la protection des consommateurs et de la famille (Vie féminine, Tests-Achats, Crioc, Ligue des familles) et les syndicats (FGTB, CSC…) des deux communautés du pays en sont signataires, lui conférant ainsi un poids et une force inédites à ce jour.
Plusieurs personnalités nous ont également apporté leur soutien (4). Il appartient désormais à nos ministres, par leur présence au Conseil des ministres européens, et à nos représentants au Parlement européen de tout mettre en œuvre pour obtenir un règlement efficace prenant en compte la santé publique et l’environnement, sans oublier la santé et la sécurité des travailleurs. Il appartient également aux différentes associations et aux citoyens de rester informés et vigilants dans l’achat, l’utilisation et l’entreposage des produits de consommation courante contenant des substances chimiques potentiellement dangereuses. Cette vigilance doit se poursuivre jusqu’au tri et au traitement des déchets. C’est à ce prix que nous saurons préserver notre santé et notre environnement dans l’esprit d’Ottawa et de la future charte de Bangkok, dont l'avant-projet affirme que "le souci d'agir sur les déterminants de santé et un engagement pour le développement durable sous-tendent toutes les stratégies de promotion de la santé".

Allons au delà des mots et mettons en place les outils d’une réelle protection des citoyens et des travailleurs! C’est ce à quoi le manifeste de la société civile belge entend contribuer.

Véronique Bouttin et Anne Thibaut, Inter-Environnement Wallonie  

Inter-Environnement Wallonie, Bd du Nord 6, 5000 Namur. Tél.: 081 25 52 80. Courriel: iew@iewonline.be.

(1) Le règlement est l'instrument juridique européen à portée générale qui est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tous les Etats membres de l'Union européenne (art. 249 du Traité sur la Communauté européenne).
(2) Voir le site
http://www.wwf.be et sa campagne sur les toxiques.
(3) Voir à ce sujet le rapport du Dr Fawaz Al Bitar, Report on chemical content in house dust samples collected in Belgian homes and offices, march 2004.
(4) Pour le texte complet du manifeste et la liste des signataires voir sur
http://www.iewonline.be/
Ecrit par Cherche l'info, le Samedi 23 Avril 2005, 17:45 dans la rubrique "Chimie et substances nocives".