Selon l’OCDE, les changements climatiques menacent le secteur des sports d’hiver en Europe
D’après les relevés historiques existant, plusieurs régions des Alpes ont connu leur mois de novembre le plus chaud, ce qui a retardé l’arrivée de la neige de plusieurs semaines et inquiète les professionnels du tourisme d’hiver. Tandis que les premiers flocons tombent sur les pentes, des questions se posent : cet automne particulièrement doux était-il une exception ou annonçait-il les effets des changements climatiques ?
Quelle est la sensibilité des Alpes à de tels changements ? Le tourisme est une activité économique essentielle dans les pays Alpins.
On dénombre chaque année entre 60 à 80 millions de touristes et quelque 160 millions de "journées skieurs" en France, Autriche, Suisse et
Allemagne. D’après une nouvelle analyse de l’OCDE (la première étude internationale systématique sur les domaines skiables de l’arc alpin), les changements climatiques remettent gravement en question la fiabilité de l’enneigement dans les stations de ski et, par conséquent, menace les économies régionales qui sont tributaires du tourisme d’hiver.
Les Alpes sont particulièrement sensibles aux changements climatiques et le réchauffement récent y a été à près de trois fois supérieur à la moyenne mondiale. Les années 1994, 2000, 2002, et 2003 ont été les plus chaudes dans les Alpes au cours des cinq cents dernières années (d’après des reconstructions de haute résolution du climat de la région depuis 1500 après J?C.). Les projections des modèles climatiques font état de changements encore plus sensibles dans les décennies à venir, notamment d’une diminution de la quantité de neige à basse altitude et d’un recul des glaciers conjugué à la fonte du permafrost plus haut.
Actuellement, on considère que 90% des domaines skiables Alpins de moyenne ou grande taille, soit 599 domaines sur 666, bénéficient d’un enneigement naturel suffisant pendant au moins cent jours par an. Les 10% restants opèrent déjà dans des conditions précaires. Une hausse de la température de 1°C, de 2°C ou de 4°C à l’avenir pourrait ramener le nombre de domaines skiables jouissant d’un enneigement fiable à 500, 400 ou 200, respectivement.
Parmi les pays étudiés, c’est l’Allemagne qui est le pays le plus vulnérable, puisque qu’un réchauffement de 1°C y entraînerait une baisse
de 60% du nombre de domaines skiables bénéficiant d’enneigement naturel fiable. L’Autriche (où la moitié des revenus du secteur touristique, soit 4.5% de l’économie nationale, provient du tourisme d’hiver) est légèrement plus sensible que la moyenne. La France est proche de cette moyenne et l’Italie légèrement au-dessus. C’est la Suisse qui souffrirait le moins de ces changements, mais même dans son cas, un réchauffement de 1°C ferait diminuer l’enneigement naturel de 10% et un réchauffement de 4°C diviserait par deux le nombre de pistes bénéficiant d’un enneigement fiable.
Il y aura également des "gagnants" et des "perdants", que ce soit à l’échelle des régions ou à celle des domaines skiables. Ainsi, les
Alpes-Maritimes, la Styrie et le Frioul-Vénétie julienne sont beaucoup moins vulnérables que les cantons du Grisons, de Valais et la Savoie, de même, les domaines skiables à basse altitude sont nettement plus vulnérables que les autres.
Les exploitants des stations ont déjà pris des mesures pour s’adapter à l’élévation de la limite d’enneigement et au raccourcissement de la saison, mais la plupart d’entre eux recourent à la technologie au lieu de modifier leurs comportements. La neige artificielle peut être rentable pour eux, mais elle consomme beaucoup d’eau et d’énergie, et a une incidence sur les paysages et les écosystèmes. En outre, les coûts de fabrication de la neige de culture augmentent considérablement à mesure que les températures s’élèvent, et dès lors que celles-ci auront dépassé un certain seuil, fabriquer de la neige ne sera plus viable. Des revêtements de plastique peuvent protéger les glaciers, mais ils ne les empêcheront pas de fondre totalement si la tendance au réchauffement se maintient. Niveler les pentes et détourner les cours d’eau pour modifier le relief mettent l’environnement naturel en péril et accroissent les risques de crues soudaines et d’éboulements. Globalement, l’adaptation obéit aux forces du marché, qui favorisent le statu quo par rapport à des transitions qui
pourraient coûter cher économiquement et politiquement à court terme.
Le rapport complet, intitulé Changements climatiques dans les alpes européennes – Adapter le tourisme d’hiver et la gestion des risques
naturels, paraîtra en février 2007.