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Rentrée à haut risque pour nos aéroports

Un article de Trends-Tendance à lire. Tendancieux?

Nos petites remarques:
DHL fournit selon l'article 3000 emplois directs. Ces emplois ne subsisteront tant que la chaine n'aura pas été automatisée, ce qui ne saurait tarder. Les emplois disparaîtront mais les nuisances subsisteront.
Faire de DHL un phare pour la Belgique nous semble simpliste. Des villes importantes ont refusé son implantation et ne s'en portent pas plus mal. En terme d'images, une médaille aux Jeux Olympiques fait plus qu'un ballet incessant d'avions.
Pour le reste, faites-vous votre idée.

L'équipe de Trop De Bruit.


Rentrée à haut risque pour nos aéroports
12 août 2004

A peine les gouvernements régionaux constitués, il leur faudra - ainsi qu'au gouvernement fédéral - prendre à bras-le-corps le dossier des aéroports belges. Des aéroports qui sont près de perdre deux importants clients: Ryanair à Charleroi et DHL à Bruxelles. Les responsables politiques devront faire preuve de doigté pour se sortir d'une situation périlleuse dans laquelle ils se sont eux-mêmes placés.

Depuis des mois, nos aéroports régionaux et national sont dans la tourmente. Une zone de turbulences dont Liège Airport vient de sortir, après que les riverains ont été déboutés de leur action visant à faire interdire les vols de nuit. Les problèmes n'épargnent toutefois pas Charleroi et Bruxelles. Pour le premier, le dossier Ryanair, dont l'implantation sur la plateforme carolo semble plus fragile que jamais, reste d'actualité. A Bruxelles, DHL attend toujours, après de nombreux mois, l'autorisation de développer ses activités. Qu'ont ces deux dossiers en commun? Des errements politiques, qui risquent de conduire au départ de deux opérateurs économiques importants pour leurs régions respectives.

Charleroi: deux millions de passagers maximum
Après un développement éclair, rien ne va plus à Charleroi depuis que la Commission européenne a décidé qu'une partie des aides dont Ryanair bénéficiait pour son implantation, étaient illégales. Un jugement plutôt équilibré, de l'avis de tous. Or, équilibré, Ryanair ne l'est pas: la compagnie a menacé, si elle devait payer € 1 de plus pour ses vols au départ de Charleroi, d'aller poser ses coucous sous des cieux plus cléments. Pour donner davantage d'ampleur à sa menace, Ryanair a même stoppé sa ligne Charleroi-Londres, jugée trop peu rentable malgré les quelque 300.000 passagers qui la fréquentaient annuellement.
En pleine période préélectorale, le ministre wallon de l'Economie, Serge Kubla, ira à Dublin en personne afin d'arracher un accord avec la compagnie. Un accord qui ressemble à une victoire à la Pyrrhus: Ryanair ne déboursera pas un centime d'euro de plus, soit € 5 par passagers. Par quel miracle? Le ministre a procédé à un jeu de vases communicants, augmentant certaines redevances et en diminuant d'autres - ce qui ne manquera pas de faire grincer quelques dents au sein du conseil d'administration de l'aéroport.
Cette «solution» présente cependant deux failles, que devra combler Jean-Claude Marcourt, successeur de Serge Kubla. Tout d'abord, Ryanair fait preuve de mauvaise volonté dans le remboursement des aides perçues par l'aéroport depuis son implantation. Alors que la compagnie était censée communiquer au plus vite, à la Commission européenne, le montant exact des aides illégales, elle ne l'a pas encore fait, au point que le gouvernement wallon s'est fait tancer sur le sujet par la Commission. Si le ministre Kubla, en affaires courantes, a réussi à faire patienter la Commission, son successeur devra faire entendre raison à Ryanair coûte que coûte, même au prix de poursuites plombant encore le climat ambiant.

Jeu d'équilibriste en vue
Par ailleurs, l'accord négocié à Dublin par Serge Kubla ne tient que tant que l'aéroport n'accueille pas plus de deux millions de passagers. Cela devrait néanmoins arriver, en principe... cette année. Il faut savoir que la Commission européenne impose aux aéroports la mise en concurrence de l'assistance au sol (handling) au-delà de deux millions de passagers. Une fois ce cap atteint, les autorités aéroportuaires proposant elles-mêmes ce type de service, ce qui est le cas de Charleroi, devront l'assurer à prix coûtant, afin de ne pas empêcher l'arrivée d'une autre société d'assistance concurrente.
«Ce dispositif doit permettre aux aéroports de se développer, explique un porte-parole de la Commission européenne. Ils peuvent globaliser leurs coûts et rentrées dans leur phase de développement, mais, une fois le cap de deux millions de passagers atteint, on considère que l'aéroport est développé, et doit donc fonctionner selon des règles de libre concurrence.»
Conséquence de l'application de cette règle pour l'aéroport de Charleroi: dans quelques mois, le prix de l'assistance en piste, facturé € 1 par passager à Ryanair, devra être calculé en fonction des coûts, soit € 3 ou € 4. Ryanair s'en accommodera-t-elle? Rien n'est moins sûr. L'autre solution consiste à ne jamais dépasser ce cap de deux millions de passagers, ce qui n'est pas la meilleure option dont puisse rêver un aéroport...
On réalise le jeu d'équilibriste auquel devra se livrer le nouveau ministre wallon de l'Economie, face à une compagnie Ryanair qui assure encore plus de 90 % de l'activité de l'aéroport, ce dernier assurant plus d'un millier d'emplois dans la région.

Un dossier purement politique
La situation est moins dramatique pour l'aéroport de Bruxelles-National, où c'est DHL qui pourrait annoncer son départ dans les prochaines semaines. Si l'opérateur engendre moins de 10 % des revenus de l'aéroport, il n'en reste pas moins un acteur essentiel. «DHL utilise notre aéroport à un moment où il n'y a quasiment aucune autre activité, explique Paul De Backer, porte-parole de Biac, société de gestion de l'aéroport. Il ne nous coûte donc presque rien, mais permet de rentabiliser les installations existantes.»
En fait, l'activité de l'aéroport est surtout essentielle pour la région: les études les plus réalistes font état de 3.000 emplois directs générés par l'activité de DHL, et autant d'indirects. Des chiffres qu'un développement de la compagnie à Bruxelles pourrait facilement doubler.
«Grâce à DHL, la Belgique tient une chance unique de se positionner comme le premier centre logistique en Europe, explique un responsable de l'opérateur. A contrario, un départ de DHL serait particulièrement dommageable pour l'image de la Belgique à l'étranger, tout comme le sont d'ailleurs les atermoiements du gouvernement belge autour de ce dossier.»
Il ne faut pas s'y tromper: la problématique de Bruxelles n'est ni économique, ni écologique, ni légale, ni technique, mais purement politique. Ces dernières années, le nombre de vols et le bruit autour de l'aéroport de Bruxelles-National ont fortement diminué. Parallèlement, pourtant, les plaintes ont crû au-delà de toute mesure. Comment expliquer cela? «Tout simplement parce que les politiques ont ouvert la boîte de Pandore, explique un proche des milieux gouvernementaux. Avant Isabelle Durant (Ndlr, ministre de la Mobilité et des Transports avant Bert Anciaux), une dispersion prévalait pour les vols au départ de Bruxelles-National. La ministre a voulu les concentrer, ce qui était sans doute une très bonne solution. Toutefois, dans sa précipitation, elle a commis une grave erreur en ouvrant de nouvelles routes sans procéder à des isolations ni attendre le remplacement des avions les plus bruyants, ce qui a déchaîné les réactions des riverains. Ajoutons à cela une grave erreur psychologique, dans le chef de la ministre mais également de la plupart des formations politiques, consistant à faire de ce dossier un enjeu électoral. Tout cela est allé dans le sens de lobbies très puissants.»
Une situation qui s'est encore détériorée avec l'arrivée de Bert Anciaux, actuel ministre de la Culture au gouvernement flamand, qui, en plus d'être particulièrement tatillon, était à la fois juge et partie puisqu'il provient d'une région fortement survolée...

Courage, fuyons!
On en est là aujourd'hui. Face à DHL qui souhaite se développer à Bruxelles - ce qui imposerait un passage à 32.000 vols de nuits par an, contre 25.000 à l'heure actuelle - et pourrait partir s'il s'en voit empêché, aucun politique flamand, bruxellois ou wallon ne veut assumer les pertes d'emplois consécutives à ce départ, ni l'augmentation des vols au-dessus de la capitale. Le dossier a d'ailleurs été courageusement reporté à la rentrée, après les élections, et un médiateur tente de trouver une solution avec la compagnie. A Bruxelles si possible; sinon, ailleurs en Belgique.
Contrairement à Charleroi, une solution existe malgré tout pour l'aéroport de Bruxelles-National. Depuis plusieurs années, les limitations de vols sur la plateforme sont basées sur un nombre de mouvements limite (25.000 vols de nuit par an), dont il faut bien admettre qu'il constitue un non-sens complet en termes d'environnement. En effet, ces mouvements sont opérés indifféremment par des avions dont le bruit émis peut varier du simple au quintuple. On pourrait remplacer la limitation du nombre de vols autorisés annuellement par une limitation du niveau de bruit. En clair, les compagnies auraient tout intérêt à diminuer les nuisances - ce qui est techniquement possible - pour pouvoir opérer davantage de vols. On pourrait même prévoir un mémorandum avec les opérateurs en vue de réduire progressivement les nuisances.
Pour cela, DHL devrait investir lourdement dans une nouvelle flotte. Ce qu'elle est prête à faire, moyennant des garanties à (très) long terme. Reste donc aux politiques à prendre leurs responsabilités, et à choisir entre tout à l'environnement, tout à l'emploi, ou l'équilibre entre les deux.


Nicolas Maréchal
Ecrit par Cherche l'info, le Mercredi 25 Août 2004, 07:44 dans la rubrique "Bruit et pollution des avions ".