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Ils roulent à l'huile de friture

A Marseille, ils sont quelques-uns à démontrer qu'on peut se servir
simplement d'huiles usagées comme carburant. Venant renforcer les
militants de la filière huile végétale, défendue par des agriculteurs
qui font tourner leurs tracteurs à l'huile de tournesol. Mais, face
au lobby du pétrole et aux industriels du biocarburant, le combat est
rude...

Par Michel HENRY lundi 11 avril 2005 (Liberation - 06:00)



attention ! Ces gens-là sont dangereux. Ils prétendent qu'on peut
rouler à l'huile de friture. «Joyeuses frites ! écrit l'un, que
l'émulsion vous gagne, et que l'huile fasse sa tâche.» Des dingues ?

Prenez Thierry Rougier, ingénieur informatique à Marseille, 33 ans.
Il a revendu sa voiture neuve pour faire l'expérience. Son vieil
Espace, assure-t-il, roule moitié au gazole, moitié à l'huile de
friture, sans modification. «10 000 km sans problème», assure-t-il.
Il récupère l'huile de tournesol usagée dans son restau d'entreprise,
la filtre, puis alimente sa vieille voiture diesel. Son copain
Christophe Oudelin met de l'huile à 100 % dans sa 405 diesel, après
avoir transformé les injecteurs, ajouté une pompe de prégavage et un
préchauffeur, pour un coût de 400 euros. Ça marche bien, ça pollue
moins, même si le pot d'échappement sent la frite. Et ça récupère les
huiles usagées, «qui d'habitude finissent dans le caniveau». Génial ?
«On n'a rien inventé», rétorque Thierry Rougier. Rudolf Diesel, en
créant son moteur, fin XIXe, le faisait rouler à l'huile de lin.
«L'automobile qui roule à l'huile, elle est vieille comme le monde de
Rudolf», écrit un adepte, dans un petit livre autoproduit («Rouler à
l'huile de tournesol, pourquoi et comment mettre des fleurs dans son
moteur ?»).

«Qui croire, qui ne pas croire ?»

Mais rouler à la frite, quand on vit en ville, c'est du boulot.
«Beaucoup de manipulation», soupire Thierry Rougier. Il faut être
militant. Une nuit pour filtrer l'huile. Et ensuite, que faire des
tissus pleins de graisse ? Il faudrait un réseau de récupération, un
garage pour stocker... Et surtout, lancer une expérimentation à
grande échelle. Les Marseillais de «Roule ma frite», qui font
fonctionner une dizaine de véhicules, veulent «ouvrir le débat,
explique Thierry Rougier. En France, on discute beaucoup, mais on est
toujours dans le lobby». Ils ne prétendent pas détenir la science
infuse, se posent des questions. Il y a des doutes : l'huile de
friture serait nocive si on y a cuit des viandes animales. «Le
travail de recherche doit être poursuivi, estime un militant, afin de
garantir un développement cohérent et responsable.» Thierry Rougier
s'interroge : «Certains disent que l'huile végétale encrasse les
moteurs et engendre une usure avancée. Qui croire ? Qui ne pas croire
? On pourrait faire tourner quelques bus dans une ville pour faire
une étude. Mais ça demande des moyens.» Ça s'est fait, en 2001, à
Berkeley (Californie). «On ne veut pas marcher en parallèle du
système, on veut le faire évoluer, insiste Rougier. On n'est pas des
hurluberlus écolos sortis du Larzac. Et s'il faut payer une taxe, on
la payera.» Pas question de partir à l'aventure : «Ça ne sert à rien
de promouvoir ça sur toute la planète. Il faut d'abord développer les
expérimentations.»

Mais en France, ça coince. Pourtant, loin des villes, des
agriculteurs font rouler leur tracteur à l'huile végétale pure (HVP).
Ils sont des centaines, peut-être des milliers. Procédé simple et
révolutionnaire : le paysan fait pousser son tournesol, le presse,
puis alimente son tracteur. Une fois l'huile produite, il récupère le
résidu de graine (tourteau) et s'en sert pour nourrir son bétail. Le
tournesol présente bien des avantages : il nécessite peu d'eau et
d'engrais pour sa culture. Au final, ça permet l'autosuffisance.
L'autarcie. Artisanale, la production d'huile végétale ne nécessite
ni infrastructures, ni investissements lourds. De plus, elle permet
de lutter contre la désertification des zones rurales. Et, par
rapport aux biocarburants produits industriellement, elle offre un
meilleur rendement énergétique, pollue moins. Une étude réalisée par
pour l'Ademe (Agence de l'environnement et de
la maîtrise de l'énergie) en 2002 donne des résultats spectaculaires.
Le rendement énergétique (différence entre l'énergie utilisée pour
produire et l'énergie restituée) est de 0,9 pour le gazole, de 3 pour
les biocarburants industriels, de 4,7 pour l'huile de colza, et de
5,5 pour l'huile de tournesol ! Quant à l'impact sur l'effet de
serre, il est aussi, sans conteste, à l'avantage des HVP, cinq fois
moins polluantes que le gazole.

L'HVP peut donc représenter une solution alternative. Entre flambée
du prix du pétrole, nécessité de réduire les gaz à effet de serre, et
besoin de créer des emplois en zone rurale, la place est grande,
d'autant que la France est très en retard sur tous les biocarburants.
Discrètement, des presses à HVP se diffusent à travers le territoire.
«Le tissu social agricole est en train de prendre conscience du
potentiel qu'il a sous les pieds», assure un spécialiste.

«140 pompes en Allemagne»

Toutefois, il y a un gros hic. L'HVP est mal vue, très mal vue des
lobbies pétroliers, agroindustriels, et de l'administration des
Finances. Demandez à Alain Juste : Valenergol, son entreprise fondée
en 1996 à Pont-du-Casse (Lot-et-Garonne) pour produire de l'huile de
tournesol, a été poursuivie par les douanes, qui lui réclament la
TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers). Condamné en
appel, fin 2002, Alain Juste refuse de payer. Les douanes s'apprêtent
à réclamer leur créance - 10 000 euros. Pendant ce temps, s'insurge
Alain Juste, «en Allemagne, on trouve de l'HVP en vente dans 140
pompes». Légale, de l'autre côté du Rhin. Ici, on ne sait pas trop.
Les tenants français de l'HVP crient à l'injustice : pourquoi
d'autres biocarburants, fabriqués industriellement, sont-ils
autorisés et bénéficient-ils d'une exonération fiscale ? Olivier
Géron, du syndicat Solidaires douanes à Bordeaux, dénonce «une
filière cadenassée» et «des sanctions accentuées» depuis 2004, à
rebours des directives européennes.

La situation est bancale. Pour les autorités françaises, l'HVP n'est
pas légale. Mais une directive européenne de mai 2003 a reconnu l'HVP
comme biocarburant. Pour les autorités européennes, il convient de
l'autoriser et de le favoriser, par exemple via l'exonération
fiscale. C'est ce qu'on fait en Allemagne. En France, rien. L'HVP est
toujours considérée comme illégale. On la tolère, dans l'agriculture
: tout le monde sait que des paysans roulent à l'HVP. On ne les
poursuit pas, tant qu'ils restent marginaux. Pendant ce temps, le
gouvernement développe la filière industrielle du biocarburant, avec
les gros producteurs d'oléagineux. C'est elle, et uniquement elle,
qui est prise en compte dans le plan de développement dévoilé début
février. Cette filière offre un double avantage : utilisé en mélange
avec le gazole, le biocarburant industriel est vendu aux pompes
classiques et ne requiert pas de modification des moteurs. Il permet
aux pétroliers de garder le contrôle du marché des carburants et
n'oblige pas les constructeurs automobiles à se remettre en cause ou
à produire en masse des moteurs mixtes, comme au Brésil. «Le plan
biocarburant français ne parle que des éthanols et du Diester
[industriels] pour étouffer la filière HVP, regrette Alain Juste. On
ne nous laissera que les miettes. C'est une histoire de gros sous.»

«Un usage de niche»

En haut lieu, l'HVP n'a pas la frite. A l'Ademe, Jacques Poitrat,
ingénieur, estime qu'elle «peut très bien fonctionner avec des
véhicules de vieille technologie diesel». Toutefois pas pour les
diesels HDI modernes : il y aurait «trop de risques pour la pompe à
injection». Un avis contesté : les tenants de l'HVP rappellent que
des kits d'adaptation pour les moteurs fonctionnent «partout en
Europe, sauf en France, bizarre, non ?». Poitrat ne voit
d'application possible que sur les tracteurs, mais pas plus : «L'HVP
ne peut pas être une solution banalisée pour M. Tout-le-Monde»,
assure l'ingénieur. D'où le choix exclusif des biocarburants
industriels. «Si on a promu la transformation industrielle, c'est
pour faire un carburant universel, explique Jacques Poitrat. L'ester
peut être ce carburant universel, car il devient une composante du
gazole. L'HVP, non. Il n'a qu'un usage de niche.»

C'est juste parce qu'on en a décidé ainsi, rétorque Jacques Lambert,
de l'Institut français des HVP : «On favorise ce qui est grand et
centralisé, selon l'idée que ce qui est grand est rentable. Mais on
peut faire beaucoup avec un produit tout simple.» Pour Jean-Loup
Lesueur, pionnier en Haute-Garonne, il faut s'attaquer au «problème
structurel que représente le dysfonctionnement de l'Ademe : censée
gérer les budgets du développement durable dans l'intérêt des
citoyens, l'Ademe représente en fait un cartel d'intérêts privés
nommé Agrice (Agriculture pour la chimie et l'énergie), où se
retrouvent , Rhône-Poulenc, EDF, Sofiproteol, ainsi que
tous les lobbies agricoles. L'Ademe ne peut pas faire les deux :
ouvrir la voie aux solutions les plus intéressantes tout en
protégeant un groupement d'intérêts. Et l'Etat n'exerce pas de
contrôle sur cette dérive.» Alors, joyeuses frites ? Pas pour tout le
monde.


http://www.liberation.fr/page.php?Article=288659

Ecrit par Cherche l'info, le Lundi 11 Avril 2005, 17:44 dans la rubrique "Les autres nouvelles".


Commentaires :

  Le commentateur n'a pas désiré laisser son identité.
15-07-05
à 23:16

ecoauto

Allo pour l'huile de patate sa roule bien moi je fonctionne la dessus depuis deja 2 ans et Zéro probleme sauf qui faut faire attention a la filtration et a l'arret de la voiture sur le diesel sinon elle ne redemarre pas tout de suite aller voir www.végétalcar.com et vla dans les dents toute les réponces a vos questions si trouve bye...