Dans le Journal de l'environnement du 09/06/2006 11:45
Dans un avis, le Conseil supérieur d’hygiène publique (CSHP) de France critique le projet de directive européen sur la qualité de l’air ambiant. Sa voix se joint aux cris d’alarme poussés par de nombreux scientifiques français et européens, à quelques semaines du début des débats au Parlement européen.
Analyser par Claire Avignon
La conclusion du CSHP est sans appel: «L’adoption du texte proposé, en l’absence d’amendement, constituerait une régression préjudiciable d’un point de vue de santé publique.» Son principal point de préoccupation porte sur les particules fines PM-2,5. C’est la première fois qu’une limitation sur ces polluants, dont les effets néfastes sur la santé sont désormais avérés, est introduite dans l’Union européenne. Cependant, le plafond de 25 microgrammes par mètre cube (µg/m3) en moyenne annuelle à atteindre d’ici 2010 ne satisfait pas la plupart des scientifiques.
Ainsi le Conseil «estime que le plafond de concentration de 25 µg/m3 ne répond pas aux objectifs de réduction progressive et continue des impacts sanitaires de la pollution atmosphérique en Europe, préconisés dans la stratégie thématique Clean air for Europe (Cafe), dans la mesure où il n’incite pas les nombreux Etats membres qui respectent dès à présent cette valeur plafond à prendre des mesures, pourtant nécessaires, de réduction des émissions.»
Une analyse qui doit mettre du baume au cœur aux trois scientifiques français, Isabella Annesi-Maesano, Sylvia Médina et Denis Zmirou, qui ont interpellé sur ce même sujet, en mars dernier, les eurodéputés français membres de la commission de l’environnement du Parlement. Marie-Noëlle Lienemann (PS) a répondu à leur appel en déposant des amendements permettant de renforcer les exigences de la directive. L’un d’entre eux établit un plafond des émissions de PM-2,5 de 15 µg/m3 au lieu des 25 proposés par la Commission européenne.
Cette concentration est aussi préconisée par le CSHP. Et d’ailleurs, elle est déjà en vigueur aux Etats-Unis. Mais la bataille pour les 15 µg/m3 est loin d’être gagnée. «Nous devons faire face à une multitude de lobbies: les constructeurs automobiles, les professionnels du chauffage urbain, etc. Chacun se lance la patate chaude, estimant qu’il en a déjà suffisamment fait», analyse Denis Zmirou. Du côté des parlementaires, personne ne sait encore quelle sera la position des représentants des nouveaux Etats membres. Mais chacun s’inquiète de leur refus de voir s’imposer une limitation qui leur sera difficile à tenir. Encore une fois, les trois chercheurs français, comme le CSHP, sont d’accord: des échéances peuvent leur être accordés. Mais à l’heure où le terme «compétitivité» prend le pas sur tous les autres sujets européens, la communauté scientifique risque de n’être écoutée que d’une oreille par les institutions européennes.