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TRANSPORT: les ravages du mouvement perpétuel..

--> Le monde du transport en question....
Le transport et son influence socio-écologique...

Dans le LE MONDE DIPLOMATIQUE | janvier 2005 | Pages 14 et 15
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/01/MUHLSTEIN/11956

Selon les modes de transport, les rendements énergétiques sont très différents, et ceux qu’offre le monde routier dominant ne sont pas favorables en termes de consommation et d’impact sur l’environnement. Compte tenu des taux d’occupation observés, une même dépense d’énergie permet à un voyageur de parcourir en TGV une distance 4,5 fois plus grande qu’en voiture, et 9,5 fois plus grande qu’en avion. Pour les déplacements urbains, la distance possible est 11 fois plus importante en tramway et 2,5 fois plus importante en bus qu’en voiture.

Avec la même consommation d’énergie, la tonne de fret parcourt 5 fois plus de distance par cabotage maritime, 4 fois plus par train entier et 2 fois plus par voie fluviale que par poids lourd. Ce dernier est cependant 20 fois plus sobre que l’avion-cargo en trafic intérieur. Pour les voyageurs, comme pour le fret, le recours au transport aérien pour de courts trajets intérieurs constitue ainsi une aberration énergétique et environnementale... qui se développe.

La généralisation de la climatisation et l’alourdissement des voitures, liés à des exigences accrues de confort et de sécurité passive, mais aussi à la vogue des 4 x 4, ont totalement annulé les importants progrès réalisés sur les moteurs des véhicules durant les vingt dernières années en termes de consommation et d’émission de CO2. Dans l’Europe des Vingt-Cinq, entre 1990 et 2002, l’augmentation continue des trafics routiers a été supérieure à 20 % pour les voyageurs et à 30 % pour les marchandises, ce qui a provoqué un accroissement de plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dues aux transports dans ces pays. Les inventaires nationaux des rejets ne tiennent cependant pas compte des transports internationaux aériens et maritimes. Or les émissions mondiales du transport aérien peuvent être estimées à 3 % des émissions globales et à 13 % de celles de l’ensemble des transports. Et le trafic aérien croît de 6 % à 7 % par an depuis 1995...

L’explosion des trafics, qui contribue depuis plusieurs décennies à rendre le développement humain insoutenable, est directement liée aux mécanismes de la mondialisation néolibérale. Il faut pouvoir acheminer au plus bas prix possible, vers les zones de consommation, les produits fabriqués dans les pays qui pratiquent le moins-disant social, fiscal et environnemental, afin que le profit des entreprises de ces pays ne se perde pas ­ c’est le cas de le dire ­ en route. Le secteur des transports a donc été « libéralisé », et il continue à l’être, dans ses différents modes.

Les baisses de prix ont résulté du dumping social, avec pour conséquences la transformation des marins et des chauffeurs routiers en esclaves modernes, la hausse considérable des trafics, mais aussi des atteintes aux droits humains et à l’environnement. Les bilans des marées noires de l’Erika et du Prestige se passent de commentaire. Les transports aériens sont maintenant concernés, avec les privatisations en série des compagnies nationales et le développement des compagnies à bas prix.

Quant aux réseaux ferroviaires européens, leur ouverture forcée à la concurrence, sous l’impulsion de la Commission de Bruxelles, a imposé la séparation artificielle des infrastructures et des services de transport au détriment de l’efficacité technique et économique du rail, mais aussi de la sécurité des passagers, comme l’illustre tragiquement le cas de la Grande-Bretagne depuis dix ans (1)

Les transports façonnent les territoires, l’urbanisme et les modes de vie, et sont aussi façonnés par eux. L’urbanisme « fonctionnaliste » mis en place après la seconde guerre mondiale a provoqué le « zonage » : les logements en périphérie, les emplois au centre (tertiaire) ou en banlieue éloignée (industrie), les commerces dans d’autres banlieues. Ces orientations ont obligé les citadins à augmenter la longueur de leurs trajets et à accroître leurs déplacements quotidiens, notamment domicile-travail. La colonisation des centres-villes par les bureaux y a fait augmenter le prix des logements, avec pour résultat de réserver ceux-ci aux ménages aisés. La ségrégation sociale a été encouragée, ainsi que l’étalement urbain sous forme de périurbanisation « à la californienne ». L’habitat dispersé se prêtant mal aux dessertes par les transports en commun, la motorisation de masse est une réponse obligée à ce type d’urbanisme.

Bien au-delà du milieu du XXe siècle, les politiques d’aménagement du territoire ont été conduites selon les mêmes principes, divisant le territoire en zones de développement agricole, industriel, commercial, touristique qui sous-estimaient la cohésion territoriale, la géographie et les nuisances des transports. Corollaire de cette séparation artificielle : une vigoureuse politique autoroutière censée « favoriser le développement local » et « désenclaver les territoires ». Pourtant, une grande infrastructure a souvent un « effet de pompe » qui vide les zones peu denses lorsqu’une autoroute améliore la liaison entre celles-ci et un grand centre.

Les méthodes « modernes » de gestion ­ « zéro stock », « flux tendu » ou « juste à temps » ­ conduisent à multiplier les transports afin de suivre au plus près l’utilisation des marchandises, qu’il s’agisse de production ou de commercialisation, plutôt qu’à massifier le transport par du stockage. Les économies de gestion des stocks découlent ainsi de la circulation d’un flux ininterrompu de véritables « stocks roulants ». La possibilité de multiplier les flux sans limite confère aussi un aspect secondaire à la localisation de la production ; elle permet de scinder la chaîne de production en autant de maillons que nécessaire pour les localiser, au cas par cas, en des lieux judicieusement choisis afin de minimiser les charges sociales, fiscales ou environnementales de production.

C’est ainsi qu’en 1993 un rapport de l’Institut allemand de Wuppertal a montré que les différents ingrédients nécessaires à la fabrication d’un simple pot de yaourt aux fraises cumulaient 3 500 kilomètres de parcours avant d’être réunis. On connaît aussi l’histoire de cet industriel allemand qui envoie ses pommes de terre se faire laver et découper en Italie, pour les rapatrier ensuite et les revendre dans son pays ; ou encore l’aberrant périple des crevettes danoises, acheminées à travers les Pyrénées jusqu’au Maroc, où elles seront décortiquées à bas prix, puis renvoyées au Danemark, d’où elles repartiront vers leurs lieux de commercialisation.

Cette « optimisation » économique est rendue possible par la sous-tarification du transport due à un excédent global de l’offre, ce qui en fait une variable d’ajustement de décisions économiques prises dans la production et la commercialisation. Cette offre surabondante découle, comme on l’a vu, de la dérégulation généralisée du secteur, mais aussi de la quasi-gratuité, pour les industriels chargeurs, des impacts considérables des transports sur l’environnement et la vie des populations. Les transports sont ainsi un moyen privilégié de transférer des coûts privés vers l’ensemble de la collectivité. Les ravages énergétiques, environnementaux et sociaux de la prolifération des transports appellent des réorientations fondamentales de la place de ce secteur dans l’économie, et donc des mesures politiques en rupture avec le modèle néolibéral dominant. On peut faire, à cet égard, une série de propositions.

En France, les décisions se préparent et sont imposées dans des cénacles technocratiques, ce qui cantonne les élus aux litanies électoralistes pour obtenir de nouvelles infrastructures, et les citoyens qui s’y opposent aux manifestations et aux barrages. L’intérêt général est confisqué par l’administration de l’Etat et ses « grands corps » censés en être les porteurs : le corps des Mines, pour la politique énergétique, et celui des Ponts et Chaussées, pour celle des transports.

Contre ces féodalités, il faut des avancées significatives sur le chemin de la démocratie délibérative. Ainsi, il ne paraît pas sérieux d’envisager de rendre les transports « soutenables » sans la participation réelle de leurs utilisateurs et des habitants des territoires qu’ils traversent.

Sur le plan européen, une application prioritaire du débat public consisterait à évaluer démocratiquement la « libéralisation » des transports conduite depuis une quinzaine d’années par une Commission qui n’a jamais fourni le moindre début de preuve de ses effets positifs.

Mettre fin à la sous-tarification des transports
Contrecarrer l’aliénation marchande demande une définition politique des services publics, notamment des transports, reliant le modèle de société et la dimension économique. Dans cette acception doit être considéré comme « service public » tout service ou production matérielle qu’il aura été démocratiquement décidé de considérer comme tel. La « Constitution » européenne, qui subordonne aux règles de la concurrence ce qu’elle nomme les « services d’intérêt économique général », ne va manifestement pas dans ce sens.

La périurbanisation est incompatible avec la protection de l’environnement et avec la mise en oeuvre d’une politique soutenable des transports, car les habitants périurbains n’ont pas d’autre choix que la voiture pour s’approvisionner, travailler et se distraire. Une redensification de l’habitat est indispensable. La ville, longtemps si décriée au profit de la campagne, apparaît désormais comme le lieu d’une écologie possible pour la vie quotidienne.

Pour limiter la consommation d’énergie et la pollution des transports, la taxation des carburants fossiles et la fixation de normes réglementaires d’émission de CO2 apparaissent plus efficaces et contrôlables par la collectivité que la création artificielle d’un « marché des permis d’émissions négociables », logiquement proposé par les néolibéraux, mais aussi soutenu par un certain néocapitalisme Vert. Cette taxation devra être croissante, selon un plan pluriannuel autorisant l’adaptation du système productif et de transport.

La technologie, pour nécessaire qu’elle soit, ne suffira cependant pas à atteindre les objectifs précités si la croissance des trafics continue à annuler, et au-delà, ses effets positifs. C’est pourquoi la priorité demeure de mettre un terme à la sous-tarification des transports. L’augmentation des prix devra concerner avant tout les secteurs où règne le dumping social.

Marins et chauffeurs routiers, qui se trouvent parfois dans des situations presque inhumaines, bénéficieraient alors de conditions de travail dignes. Car l’harmonisation sociale doit se faire par le haut, et elle pourrait commencer au sein de l’Union européenne... si la « Constitution » ne l’interdisait pas (2)

Contrairement à un discours récurrent, en France les investissements en infrastructures de transport de l’Etat et des collectivités publiques ne sont pas trop modestes ; de 1980 à 2003 inclus, ils se sont élevés à environ 310 milliards d’euros constants (valeur 2003). Sur cette période, les dépenses routières ont représenté les deux tiers de l’ensemble. Il ne s’agit pas de dépenser davantage, mais de dépenser autrement, en réorientant les investissements vers les modes de transport collectifs les moins nuisants et les moins voraces en énergie. Il faudrait envisager, au moins dans certains cas, leur gratuité.

Le fait que les élus locaux puissent prendre davantage d’initiatives et de responsabilités en matière de politique des transports et d’urbanisme peut aussi les conduire, sous la pression des citoyens, à se saisir de nouvelles occasions d’influer sur les contenus et la cohérence de ces politiques.

L’équation « bien-être + modernité = nombreux déplacements » doit être remise en cause. La tâche, ardue, consiste à battre en brèche plus d’un demi-siècle de conditionnement mental, à l’origine de représentations sociales désormais profondément ancrées. Il s’agit à proprement parler de changer de culture.

L’idée de diminuer les déplacements en augmentant leur prix choquera sans doute. Cependant, dans un cadre initial où règne le « marché », seule cette augmentation pourra mettre fin au rôle de variable d’ajustement, en aval, que l’organisation économique néolibérale fait jouer aux transports. La nécessité de les réguler fortement et de relocaliser l’économie chemine dans l’opinion. Il reste à l’encourager politiquement, ce qui est sans doute plus difficile, car la réflexion des citoyens est souvent en avance sur celle de leurs élus.

Philippe Mühlstein

(1) Lire la note du conseil scientifique d’Attac « Sur la "libéralisation" du transport ferroviaire ».

(2) L’article III-210, relatif à la politique sociale dans l’Union, exclut explicitement « (...) toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres ».

Ecrit par Cherche l'info, le Samedi 23 Avril 2005, 21:48 dans la rubrique "Bruit et pollution des avions ".