--> Eloge de la patience...
Un article de l'écrivain Vincent Engel sur le courrier, la vitesse et la patience
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On dit souvent que la poste, service public, est d’une inefficacité crasse. Mon père avait, sur cette question, exactement cette opinion. Il pestait sur les retards, les files au guichet, les courriers perdus. Comme beaucoup d’autres, en Belgique et ailleurs. Pour répondre à cette prétendue insatisfaction et pour permettre aux entreprises de se soulager des frais de leur gestion de stock, on a inventé DHL. Les sociétés ont ainsi découvert le flux tendu, qui permet idéalement aux pièces d’arriver en 24 heures. Le courrier suit. Le superflu devient ainsi indispensable et la patience est une vertu de dinosaure, autrement dit d’individus inadaptés que des sociétés de courrier express n’auront plus qu’à expédier le plus vite possible dans les limbes. Coluche parlait de gérer la pénurie : “Dites-nous de quoi vous avez besoin, on vous expliquera comment vous en passer.” Avec les courriers express et la philosophie livrée avec, c’est désormais : “Dites-nous de quoi vous vous passiez jusqu’à présent, on vous dira pourquoi vous devez le commander toutes affaires cessantes.” Attendre, vous voulez rire ? Les marchands à haut débit savent que l’attente fait réfléchir ; ils nous font croire qu’elle tue le désir, alors que c’est l’inverse. Seul le désir qui résiste à l’attente vaut sans doute la peine qu’on essaie de l’assouvir. Les autres s’éteignent, quelle horreur ! Des ventes se perdent. Pour le courrier, on recourt de plus en plus à ces sociétés qui, par ailleurs, se permettent de faire du chantage à l’emploi. Plus la poste, vous êtes fous ? Affranchissez-vous de la poste et du service public, de ces facteurs ringards qui prennent le temps de dire un mot - parfois le seul qu’elles entendront de la journée - à des personnes isolées. DHL & Cie facture des prix astronomiques, mais faut ce qu’il faut, non ? A voir... Mon éditeur a cru bien faire en m’envoyant un colis par cette voie. J’étais absent lorsque le préposé passa. Un billet m’invitait à appeler un central. Je pensais que c’était pour fixer une autre date, voire un autre lieu de livraison. Nenni. Je pouvais passer à Dieghem. Ou on me déposerait le colis, 24 heures plus tard, dans une station Shell la plus proche. 25 km en l’occurrence. Total : outre le prix de l’envoi, des litres de mazout gaspillés (2 livraisons + mon déplacement) et 3 jours pour que cela m’arrive. C’est vrai, la poste, c’est nul. Je peux aller au bureau de poste à 2 km de chez moi ou demander à ce qu’on me le relivre. C’est beaucoup moins cher. Et, à tout prendre, cela n’aurait pas pris plus de temps : il avait fallu 2 jours pour que mon envoi arrive à Paris, par voie “normale”. Cette année, je crois que je vais un peu augmenter les étrennes de mon facteur. À la santé de DHL.
Vincent Engel