--> Avec un mot sur la région wallonne...
La région wallonne est évoquée dans cet article (cliquez
ici) dont l'original est
à lire sur Mille Decibels
Interview exclusive de
Didier Reynders
Vice-Premier Ministre
Ministre des Finances
Président du MR
Les partis de la coalition gouvernementale montrent l'intention, on ne peut
plus louable, de mener leur action et leur communication de manière à ne pas
offrir à l'extrême droite de nouvelles opportunités de progresser. Dans le
dossier des nuisances aériennes, qui a été l'occasion de fortes oppositions
au moment de la crise DHL, comment cette volonté peut-elle se déployer ?
D'abord, je voudrais que l'on puisse traiter un dossier en Belgique
sans que ce soit en fonction du risque de voir le Vlaamse Belang prendre telle
ou telle attitude. Parce que sinon on en arrive à ne plus oser consulter la
population. Comme on vient par exemple de le faire au sujet du traité constitutionnel
européen. Demain, on se demandera si on refait un trottoir ou non en fonction
de la position du Belang ! C'est pourquoi à plusieurs reprises, les francophones
ont demandé et d'ailleurs obtenu le maintien d'un cordon sanitaire pour traiter
les dossiers. Je vais prendre un autre exemple: concernant la question de
BHV et les suites de l'arrêt de la Cour d'Arbitrage sur les circonscriptions
électorales, j'ai proposé que l'on fasse un groupe de travail en mettant autour
de la table uniquement les formations démocratiques. J'ose espérer que dans
les mois et les années à venir, en Belgique, nous allons encore pouvoir proposer
des solutions sans que le prisme déformant du Belang ne soit présent. Cela
demande un effort de la part des formations politiques.
Et ce phénomène a eu lieu en ce qui concerne le dossier des nuisances aériennes
à Zaventem ?
Comme dans tous les dossiers et, je crois, depuis pas mal de temps.
Les dérives d'individus m'inquiète moins car il suffit de les mettre à l'écart.
Ce qui m'inquiète davantage est l'évolution du CD&V. Je vois que dans
la famille sociale chrétienne flamande, on a voté au Sénat contre la législation
qui visait à permettre la suppression, ne fut-ce que temporaire, du financement
des partis liberticides. J'ai entendu les récents propos d'Eric Van Rompuy
au sujet d'un « anschluss », au moment où on célèbre l'anniversaire de la
libération des camps. J'ai constaté que ces propos ont été repris peu après
par le TAK (Taal Aktie Komitee) lors d'un conseil communal à Wezembeek-Oppem.
Je crois qu'il faut vraiment couper avec cela. Dans le dossier des nuisances
aériennes comme dans d'autres, il faut pouvoir débattre entre formations démocratiques
sans être pollué par des remarques comme celles-là. Dans une telle logique,
on peut aussi bien supprimer les élections si on craint que le Vlaamse Belang
y soit présent ! Avant les élections régionales, dans beaucoup de communes
du noordrand, on a vu des élus se positionner en fonction des attitudes du
Blok. Ce qui me heurte parfois dans ce dossier, c'est le manque de volonté
de prendre ses responsabilités.
N'y a-t-il pas dans ce dossier, au niveau du gouvernement fédéral, une sorte
de dilemme entre d'une part la recherche d'un consensus et d'autre part la
défense des intérêts d'une population bruxelloise et francophone qui se sent
lésée par rapport au principe de dispersion ?
Il y a d'abord un dilemme entre le développement économique et la préservation
non seulement de l'environnement mais aussi d'un certain nombre de droits
individuels, comme notamment le droit au sommeil. Je crois que tout le monde,
dans chacune des entités, est confronté à ce problème. On l'a vu à propos
de DHL. Quand on est confronté à ce genre problème, l'honneur et la responsabilité
du politique est d'oser prendre une attitude. Quand on observe la situation
de l'aéroport de Zaventem, on constate que c'est avant tout l'aéroport de
la capitale européenne. Cette capitale européenne est dirigée par un gouvernement
régional. Et je vous avoue que cela me sidère de voir qu'à aucun moment, pendant
le débat sur DHL, nous n'avons jamais eu une position du gouvernement bruxellois.
Dans des dossiers comme celui-là c'est évidemment un problème. Au niveau fédéral,
confronté au même problème, nous devons nous préoccuper de l'ensemble des
habitants, pas d'une catégorie en particulier. Nous avons tenté pendant tout
le débat, du côté francophone mais avec l'accord des partenaires flamands,
de corriger un certain nombre d'éléments. La Région bruxelloise a été confrontée
au dilemme que vous évoquez et elle n'a pas osé prendre attitude.
Vous faites certainement allusion à la situation de blocage suscité par
la position du cdH pendant la crise DHL. Mais on a également constaté que
Jacques Simonet, comme ancien Président MR de la Région bruxelloise, avait
lui aussi déclaré que le refus de dépasser le plafond des 25.000 vols de nuit
était quelque chose de légitime ...
Oui, mais que les partis se soient exprimés, y compris dans l'opposition
régionale, c'est la moindre des choses. La meilleure preuve est que, comme
responsable d'une formation politique, j'ai participé à la mise sur la table
d'une proposition. Ce que Jacques Simonet avait avant tout demandé - et cela
n'avait pas été facile de l'obtenir - c'était qu'un débat ait lieu au sein
du Parlement bruxellois. Je dois vous avouer que sans proposition du gouvernement
bruxellois, la position des francophones au gouvernement fédéral a été très
fortement affaiblie. Et quand on discute du cadastre du bruit, qui doit nous
permettre de revoir le plan Anciaux, il faut pour cela que la Région bruxelloise
prenne certaines mesures en matière d'équipement et prenne certains engagements.
Il faut tout de même noter que la Région bruxelloise n'a pas eu droit à
la parole quand on a pris la décision d'appliquer un principe de dispersion
des vols de jour et des vols de nuit à partir de l'aéroport. C'est une décision
qui est venu du fédéral et ce n'est qu'ensuite que l'on a demandé aux régions
de s'exprimer à ce sujet. Le problème ne serait peut-être pas apparu si dès
le départ on avait demandé à la Région bruxelloise de donner sa propre vision
d'une stratégie à déterminer.
Je pourrais revenir sur la gestion totalement individuelle de Madame
Durant, qui a été catastrophique. Mais on ne va pas refaire l'historique de
tout ce dossier. Il faut faire très attention à l'argument des compétences
régionales. On peut évidemment dire qu'il faut renforcer le rôle des Régions,
comme j'entends certains le répéter tout le temps. Mais si on fait cela dans
ce dossier, c'est la Flandre qui va être essentiellement compétente pour l'aéroport
de Zaventem. L'aéroport est en effet situé en territoire flamand. J'entends
parfois dire à Bruxelles qu'il faut renforcer le pouvoir des Régions en la
matière. La chose est possible mais alors il faudra accepter de se retrouver
face à un gouvernement flamand qui sera à même de prendre le plus de décisions.
Pour ma part, je crois que garder la logique d'un aéroport national est une
bonne idée. Mais je crois aussi que les Régions doivent assumer leurs responsabilités
- comme je l'avais déjà souvent dit lorsque j'étais responsable de la Régie
de Voies Aériennes - d'abord en matière d'urbanisme. Aussi longtemps qu'on
permet, ou qu'on incite, le développement de lotissements autour et aux alentour
de l'aéroport, on crée des riverains qui vont avoir des griefs. Je me suis
un peu occupé du dossier de l'aéroport de Bierset, où je ne prétends pas que
la situation est parfaite. Un des premiers éléments que l'on a établi a été
de créer des zones réservées à autre chose que du logement autour de l'aéroport.
Un aéroport n'est pas fait pour que l'on installe des logements dans son périmètre
immédiat.
A ce sujet, le Ministre Renaat Landuyt a déclaré dans une interview accordée
à notre revue qu'il y a eu des maisons qui ont été achetées dans l'oostrand,
en connaissance de cause des nuisances sonores, par des gens qui ont ensuite
exigé de modifier les trajectoires d'avion afin d'obtenir une plus-value immobilière.
Est-ce que vous partagez cette vision ?
Non. Je vois seulement que des maisons sont encore construites dans
des zones aux alentours de l'aéroport qui n'importe où ailleurs seraient considérés
comme des zones non constructibles, ce que l'on appelle des «zones A » à Bierset.
Par contre, on ne peut pas dire cela de l'oostrand, là où il n'y avait jamais
eu auparavant de problèmes. Comme responsable de la Régie des Voies aériennes,
je peux vous dire que la piste 02 a toujours été considérée comme une piste
de sécurité. Il y a des gens qui vivent là depuis très longtemps, sans qu'il
y ait eu utilisation excessive de cette piste. Je crois que Renaat Landuyt
utilise à tort un argument qui est réel ailleurs pour l'appliquer à une partie
de la Région bruxelloise qui n'est pas concernée par cet argument.
Vous évoquez par là une notion juridique qui est celle du « standstill ».
Le philosophe Guy Haarscher utilise le terme « anticipations légitimes » pour
décrire le droit des gens à vivre dans un environnement qui ne subit pas une
perte d'habitabilité importante, comme c'est le cas lorsqu'il s'agit de vols
de nuit. Le Ministre Renaat Landuyt oppose à cet argument l'idée que les personnes
qui habitent à une certaine distance de l'aéroport doivent toutes, sans exception,
prévoir la possibilité d'une augmentation des nuisances, même si celles-ci
résultent d'une stratégie de dispersion atypique puisqu'elle n'a encore jamais
été appliquée ailleurs. Qu'en pensez-vous ?
Il est évident que l'aéroport restera toujours enclavé dans la ville.
Nous sommes dans une situation où un accord de gouvernement a été pris. Mais
ce qui a été fait en matière de dispersion est provisoire. Nous devons maintenant
faire un cadastre du bruit qui sera une vérification de la réalité des nuisances.
Et avant même de disposer de ce cadastre du bruit réel, nous devons apporter
des corrections qui apparaissent évidentes, ou qui sont apparues comme telles
à un moment donné. Cela fait des semaines et des semaines que je demande en
kern et lors de différentes réunions que l'on applique enfin des décisions
qui datent du mois de mai 2004, notamment sur les normes de vent. Il semble
que maintenant des décisions ont été transmises pour que, au moins, on puisse
en revenir à des normes de vent un peu plus correctes, même si elles ne sont
pas non plus parfaites. Et puisque tout le monde était d'accord, au moment
du débat sur DHL, sur un certain nombre de corrections qui concernent la piste
02, essayons au minimum d'avancer dans cette direction. Je sais que ce sera
parfois mal perçu, et cela ne veut pas dire qu'il n'y aura que cela à corriger,
mais cela fait partie d'un corpus de décisions du fédéral. Cela n'est qu'un
premier pas mais, au moins sur un plan symbolique, cela permettra de démontrer
qu'il y a une vraie volonté d'être à la recherche d'un consensus. Quant à
l'évolution du Plan de dispersion, si on veut aller vers un cadastre du bruit
réel, il faut que la Région bruxelloise participe de manière active. Il y
a pour cela un investissement minimal à faire de ce côté. Je trouve assez
surréaliste d'apprendre que Madame Huytebroeck n'aura peut-être pas les moyens
d'investir dans des sonomètres. Elle a même réduit leur nombre de 12 à 8 unités.
Est-ce que l'on considère là que c'est un dossier particulièrement important,
alors qu'il s'agit de sommes assez dérisoires ? Je ne peux pas avancer au
fédéral si à tout moment nous sommes bloqués parce que des ministres de la
Région bruxellois disent qu'ils ne reconnaissent pas les documents qui sont
sur la table. Je ne prétends pas que les documents présentés par Bert Anciaux
puis par Renaat Landuyt sont corrects. François-Xavier de Donnéa a très bien
montré au Parlement qu'il fallait démonter un certain nombre d'arguments.
Je ne demande rien de plus de la part de la Région bruxelloise que de mettre
en place les équipements nécessaires à la réalisation du cadastre, d'une part,
et de fixer les méthodes à utiliser pour exploiter les résultats. J'ai un
peu le sentiment - mais j'espère que ce n'est pas vrai - que du côté de la
Région bruxelloise on ne veut pas trop entrer dans le débat sur les conditions
à mettre en oeuvre pour que l'on puisse faire un véritable cadastre, cela
afin de ne pas perdre l'argument de pouvoir critiquer la méthodologie. Le
gouvernement fédéral a demandé qu'il y ait des contacts et des rencontres
entre les régions concernées, et la Région wallonne est la bienvenue si elle
veut participer aux débats. Si les instruments de mesure et la méthodologie
d'évaluation sont acceptés par tout le monde - mais je ne parle pas des résultats
- alors on peut venir discuter sur base des données récoltées. Au MR, nous
voulons un cadastre du bruit afin de pouvoir remettre en cause l'actuel plan
de dispersion. Didier Gosuin avait lancé l'opération, avec toute une série
d'investissements faits par la Région bruxelloise, je souhaiterais que le
gouvernement bruxellois continue. Ensuite, pour compléter ma réponse au sujet
des anticipations légitimes que vous évoquez, à plus long terme l'évolution
devra se faire au niveau européen. Je ne sais pas à quelle échéance mais je
ne peux pas m'imaginer que l'avenir de l'aéroport de Zaventem soit d'accueillir
de plus en plus de vols de nuit.
Monsieur Jacques Barrot, Commissaire européen chargé des Transport a pourtant
déclaré, dès son entrée en fonction, que selon lui la Commission ne devait
pas agir pour une interdiction des vols de nuit en Europe. Il considère que
les états membres ont à légiférer librement en la matière.
Nous verrons jusqu'où la Commission voudra aller. Mais le Parlement
et le Conseil européen vont également jouer un rôle.
La Ministre Evelyne Huytebroeck explique que les normes de bruit bruxelloises
sont équivalentes, voire moins sévères, par rapport à celles pratiquées pour
les autres grandes villes en Europe. Selon elle, les normes bruxelloises et
flamandes doivent être différentes car elles concernent des zones où la densité
de population est différente. Qu'en pensez-vous ?
Cela me parait tout à fait rationnel. Je n'ai aucun problème avec le
fait que des normes puissent être différentes. Elle n'a d'ailleurs rien inventé
puisque Didier Gosuin avait déjà évoqué cette idée-là il y a longtemps. Lorsqu'on
a travaillé sur d'autres aéroports, comme à Bierset, on a évidemment tenu
compte de ce même principe. Quand on dit qu'une zone peut devenir inconstructible,
c'est bien qu'il y a un rapport à établir entre le niveau de nuisance et la
densité de population. Ainsi, on ne construit jamais immédiatement en bout
de piste. Il y a toujours au moins un peu d'herbe avant d'arriver à un grillage
et d'apercevoir les premières maisons plus loin. C'est donc bien que tout
le monde est d'accord que les choses varient en fonction du niveau de nuisance
... De même, les normes de sécurité ne sont pas les mêmes si on décolle au-dessus
d'un désert ou au-dessus d'une ville. En tenant compte de la densité de population,
il est logique que l'on fixe des normes qui soient moins strictes dans certaines
zones que dans d'autres. Mais le fait que la norme aboutisse à un résultat
plus strict ne veut pas dire que l'on ne doit pas harmoniser un certain nombre
de règles générales. On peut harmoniser les principes à partir desquels on
part pour arriver à fixer des normes.
Disperser ne sera-t-il pas toujours synonyme, par définition, d'augmentation
du nombre de personnes gênées par les nuisances ?
Quand on dispose d'un cadastre du bruit, on peut localiser les endroits
où les nuisances se situent. Rien n'interdit dès lors de lier à cela l'impact
sur un certain nombre d'habitants et donc de tenir compte de la densité de
population. Par exemple, quand on a décidé de tracer la route du canal, c'était
bien dans l'idée de tenir compte de la densité de population. Même dans le
Brabant flamand, il y a des possibilités qui sont moins dommageables que d'autres.
Ma préoccupation n'est pas du tout de dire qu'il y a trop de nuisances sur
l'oostrand et qu'il faut déplacer ces nuisances au-dessus d'une autre population.
Ma préoccupation est de dire qu'il y a une situation actuellement insupportable
pour un certain nombre de personnes, notamment dans l'oostrand. Si on doit
revoir le plan de dispersion, c'est évidemment pour essayer d'aller vers des
solutions plus tolérables pour l'ensemble de la population qui vit autour
et alentour de l'aéroport.
Pensez-vous que des mesures correctrices, telle que l'isolation acoustique
ou l'expropriation constituent un élément nécessaire pour la recherche d'une
solution pertinente au problème du bruit créé par l'aéroport de Zaventem ?
Je crois qu'il y a des mesures correctrices que l'on peut prendre au
travers d'un certain nombre de réglementations, comme celles qui concernent
les normes de vent dans le cas de la piste 02. Car à mon avis, et je me base
sur ma connaissance acquise à la tête de la Régie des Voies Aériennes, son
utilisation est abusive. Si le développement reste au niveau où il est aujourd'hui,
et que l'on ne modifie pas les règles d'atterrissages ou de décollage, il
reste le travail au sol. Il est évident qu'il y a des possibilités en matière
d'isolation et cela doit intervenir. Mais il y a d'abord deux choses à considérer
avant même de parler d'isolation. La première concerne les règles d'urbanisme.
Comme je l'ai évoqué, tant qu'on laisse se développer des habitations dans
la proximité immédiate de l'aéroport, on crée soi-même des problèmes pour
l'avenir. Le deuxième élément, c'est la définition de règles d'isolation et
d'expropriation. Si nous avions fait autour de Zaventem le même investissement
que celui qui a été prévu en Région wallonne pour l'aéroport de Bierset, on
aurait déjà une capacité de protection contre le bruit. Les problèmes de riverains
n'étaient pas simples non plus à Bierset et j'ai eu à m'en occuper comme politique.
Malheureusement je constate que ni la Région flamande ni la région bruxelloise
ne vont dans ce sens. Evidemment, dès que l'on parle de mesures financières,
la Région bruxelloise a tendance à dire qu'elle n'est pas concernée parce
que l'aéroport est en Flandre.
L'idée de disperser les vols de nuit n'est-t-elle pas antagonique avec la
mise en oeuvre de mesures correctrices telles que l'isolation ou l'expropriation
?
Non, ce n'est seulement antagonique qu'avec un système de dispersion
« tout azimuth », ce qui a été la logique jusqu'ici. Mais je crois qu'on caricature
un peu en opposant la dispersion et la concentration, comme si on pouvait
organiser l'ensemble des atterrissages et décollages sur une seule piste et
sur un seul axe. On n'arrivera pas à cela et d'ailleurs on n'a jamais eu cela.
Pour des raisons de sécurité, en fonction des normes de vent, il y a différentes
configurations. Est-ce qu'il faut chercher la solution dans une « concentration
sur plusieurs axes » ou une « dispersion limitée », peu importe. Il faudra
peut-être trouver un nouveau nom. En Belgique, il est souvent important de
sortir du vocabulaire pour éviter que l'on s'affronte. Mais on doit arriver
à une solution où certaines zones seront plus touchées que d'autres. Dans
le débat sur DHL, on s'est demandé si on ne pouvait pas revenir à un peu plus
de concentration. Ce n'est pas un hasard. On a tout de suite cité Diegem comme
une des premières zones qui pourrait faire l'objet de mesures d'isolation.
Donc, avec de nouvelles normes de vent, on peut dans un premier temps « limiter
» la dispersion. A partir de cela, revenir à des règles d'urbanisme et des
mesures d'isolation devient alors tout à fait nécessaire. Je demanderai que
les Régions jouent leur rôle, comme la Région wallonne le fait en ce qui concerne
Bierset.
Le principe de dispersion des nuisances a été présenté comme équitable.
Mais beaucoup de citoyens, de politiques, d'intellectuels mettent cette affirmation
en doute. Selon vous et plus précisément en matière de vols de nuit, le principe
de dispersion est-t-il équitable ? Si oui, à quelles conditions ?
Il faut d'abord tenir compte de l'infrastructure qui existe, des types
d'avions, des normes de sécurité. Et puis, on doit éviter le plus possible
les concentrations de population. Plutôt que de s'affronter sur les notions
de dispersion ou de concentration, je crois que l'on devrait tenter de tenir
compte de l'aéroport tel qu'il existe. Et à mes yeux, cela veut dire que la
02/20 n'est pas une piste d'utilisation fréquente, comme je le disais déjà
souvent à l'époque où j'étais à la tête de la Régie des Voies Aériennes. La
piste 02/20 est une piste de sécurité, en tout cas de complément, par rapport
aux autres. On pourrait également se poser la question de savoir s'il n'y
a pas de nouvelles infrastructures, ou des compléments d'infrastructures,
à installer sur le site de l'aéroport. Cela permettrait de trouver d'autres
solutions pour conduire les avions vers des zones moins densément peuplées.
Cela fait des années que l'on évoque cette possibilité en ce qui concerne
la piste 25 gauche. En fonction des normes de sécurité et du cadastre du bruit,
il est évident que la densité de population jouera. Sinon, cela ne sert à
rien de faire un cadastre du bruit ! Je pense que c'est souhaitable y compris
pour le Brabant flamand. Les personnes qui habitent en dessous d'une route
choisie ne seront jamais vraiment enthousiastes, évidemment. Mais de façon
générale, l'idée d'aller vers les zones qui sont les moins peuplées n'est
pas une idée qui est rejetée. Le tout est d'amener à cette solution là. Mais
je répète que si on n'objective pas en apportant un vrai cadastre, on ne s'en
sortira pas.
Le gouvernement fédéral prévoit donc bien plus que des petites adaptations
au plan de dispersion. Il s'agira donc véritablement d'une refonte globale
?Oui. Il y a dans premier temps des adaptations limitées qui permettront
de corriger le plan de dispersion. Et puis, il y aura une refonte qui se fera
sur des informations, un cadastre du bruit, qui devront être le moins contestable
possible. Aujourd'hui, je crois que c'est vraiment un des enjeux majeurs dans
le débat sur l'aéroport : les Régions doivent dire clairement sur quel type
d'analyse on est d'accord. Le principe de dispersion poussé à l'extrême, bien
sûr qu'il n'a pas de sens. ! Mais la concentration poussée à l'extrême ne
correspond pas non plus à la réalité de l'aéroport. Il faudra donc trouver
une nouvelle voie.
Quelle est dès lors votre position par rapport au jugement du tribunal des
référés au sujet de la piste 02 et sur la procédure d'appel ?
Il faut séparer le politique du juridique, parce qu'on a dit un peu
tout et n'importe quoi, notamment sur les recours. Le Ministre compétent peut
intervenir seul dans une procédure de recours. Je rappellerai quelque chose
à ceux qui ont regretté que Renaat Landuyt ait pu décider de le faire. Si
on n'avait pas dans le passé adopté ce même principe, l'arrêt de la Cour d'Appel
(ndlr : la décision dont Bert Anciaux s'est servi pour faire adopter l'actuel
plan de dispersion) n'aurait jamais pu être arrêtée en Cassation. A cette
époque, la décision du gouvernement avait été prise parce que cela avait pu
se faire de manière individuelle (ndlr : par la Ministre Laurette Onkelincx
qui remplaçait Isabelle Durant pendant les derniers mois du précédent gouvernement
Verhofstadt).
Monsieur Renant Landuyt a pourtant affirmé que tous les membres du gouvernement
étaient heureux qu'il ait pris la responsabilité d'aller en appel ...
Non, ça c'est son interprétation. Bon, il peut toujours jouer sur ce
genre de chose. De toute façon, qu'il y ait un arrêt ou non, pour moi cela
ne change pas grand-chose. Ma demande de base est de modifier, déjà dans premier
temps, la situation pour la piste 02. Nous l'avions d'ailleurs obtenu lors
du débat sur DHL. Le gouvernement flamand avait marqué son accord. Je ne vois
pas pourquoi les membres du gouvernement francophones voudraient s'y opposer.
Et la démarche suivante, c'est la modification fondamentale du plan de dispersion.
On a vu récemment que les bourgmestres de plusieurs communes du noordrand
ont décidé de se ranger derrière le Ministre Landuyt dans sa démarche de recours
contre la décision qui concerne la piste 02. Du côté des bourgmestres francophones,
dans l'oostrand, chacun sait qu'il y a eu une réaction négative par rapport
au plan Anciaux, ce qui a peut-être contribué à susciter leur demande actuelle
de rattachement à la Région bruxelloise. Est-ce que l'on ne peut pas dire
que le plan de dispersion a abouti à créer un fossé entre les populations
néerlandophones et francophones du Brabant flamand, comme vis-à-vis de Bruxelles?
Je crois qu'il ne faut pas se faire d'illusion. La région est soumise
à des tensions très fortes liées à l'aéroport mais aussi liées au débat institutionnel
et communautaire. Croire que le climat va s'apaiser et que, dans une communauté,
on va agir de manière plus sereine du jour au lendemain, je ne le pense pas.
Pour que cela puisse arriver, il faut mettre des données complètes sur la
table. Les Régions concernées doivent se réunir et dire un peu plus clairement
les choses : que veut-t-on et que ne veut-t-on pas ? Si on ne fait pas cela,
on va se regarder en chien de faïence pendant très longtemps. On ne peut pas
dire que l'aéroport est important pour le développement de la Région et ne
pas oser dire où sont les limites que l'on est prêt à accepter.
Que pensez-vous de l'idée, lancée par notre revue, de constituer un « Groupe
de réflexion éthique », composé de philosophes flamands et francophones, qui
serait chargé de baliser la réflexion sur le dossier des nuisances aériennes
?
J'y suis tout à fait favorable, pour autant que l'on puisse s'assurer
d'un certain nombre de garanties d'objectivité. Quand on voit ce qui a été
écrit, parfois avec excès, dans différentes décisions de justice, notamment
l'arrêt de la Cour d'Appel de juin 2003 en faveur du Noordrand, il est évident
qu'il y a là autour une réflexion qui peut être encadrée. On le fait d'ailleurs
dans beaucoup d'autres domaines. On pourrait, déjà dans les travaux qui sont
en cours, voir comment on pourrait s'entourer de ce genre de précaution. Tout
le monde sera intéressé, je crois, d'avoir en parallèle une instance qui puisse
donner un avis sur toute une série de débats de réflexion sur des préoccupations
environnementales, écologiques et économiques qui gravitent autour du dossier.
Quand on voit ce que cet arrêt de la Cour d'Appel a exprimé par rapport aux
droits de l'homme, je crois que cela vaut la peine d'avoir un minimum de réflexion
sur le sujet. Les droits individuels tel qu'il était reconnu dans l'arrêt
de la Cour d'Appel allaient tout de même un petit peu loin.
Vous pensez qu'à l'époque le gouvernement a été piégé par cette décision
de la Cour d'Appel ?
Oui. A l'époque, c'est ce qui s'est passé. Et quand on entend aujourd'hui
que les collègues flamands ridiculisent cet arrêt, alors qu'ils l'utilisaient
fortement, on se dit qu'il y a quand même une différence d'approche dans le
temps.
Propos recueillis par Gauthier van Outryve le 25 janvier 2005 auprès du Vice-Premier
Ministre et Président du MR Didier Reynders.
Le texte a été relu et approuvé par l'interviewé avant publication.
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