Nous avons reçu ce communiqué. Il met en évidence certaines contradictions que l'on rencontre actuellement, comme par exemple: importation de boeuf argentin par avion et préservation de notre agriculture...
"Et pourtant aussi, la même semaine, nos agriculteurs ont manifesté devant les magasins d’une grande surface pour se plaindre d’y trouver en promotion du bœuf argentin à un prix absolument intenable pour eux."
A vous de vous faire une idée.
L'équipe de Trop de Bruit.
Le Groupe de Réflexion et d'Action Pour une Politique Ecologique (GRAPPE)
Le 2 novembre 2004
« Aujourd’hui il est devenu inévitable de parler d’une crise de l’énergie qui nous menace. Cet euphémisme cache une contradiction et consacre une illusion. Il masque la contradiction inhérente au fait de vouloir atteindre à la fois un état social fondé sur l’équité et un niveau toujours plus élevé de croissance industrielle. Il consacre l’illusion que la machine peut absolument remplacer l’homme. Pour élucider cette contradiction et démasquer cette illusion, il faut reconsidérer la réalité que dissimulent les lamentations sur la crise : en fait, l’utilisation de hauts quanta d’énergie a des effets aussi destructeur pour la structure sociale que pour le milieu physique. Un tel emploi de l’énergie viole la société et détruit la nature »
Cette réflexion d’actualité date de … mai 1973. Elle est extraite de l’œuvre d’Ivan Illich et plus particulièrement du chapitre intitulé « Energie et Equité » que j’ai eu le bonheur, oui le bonheur, de redécouvrir en voulant me préparer quelque peu au premier colloque du Grappe le 20 novembre prochain.
Surprenant ? Non pas vraiment lorsqu’on connaît un peu l’extraordinaire apport d’Illich. Mais interpellant. Surtout lorsqu’on cherche à identifier ce qui a été mis en place en 30 ans pour enrayer un phénomène pourtant bien identifié et que l’on s’interroge sur les voies à emprunter pour insuffler une politique écologique dans notre société. « Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage » me disait ma grand-mère. Combien elle avait raison, mais combien aussi cela est parfois « pompant ».
Ainsi pour le dossier DHL. Après la cacophonie à laquelle nous avons assisté, on voit un grand unanimisme se mettre en place pour désigner un seul coupable : DHL lui-même qui aurait revu ses prétentions à la hausse en matière de quota count. Vous savez cette échelle qui sert à mesurer le bruit des avions. Bref, DHL aurait utilisé des avions moins bruyants, tous les partis politiques, je dis bien tous le partis politiques, auraient accepté le développement de cette entreprise sans demander qu’en soit évalué le coût social et énergétique.
Pourtant, la crise énergétique est à notre porte et tracasse plus d’un observateur économique (voir à ce sujet «
le loup derrière la porte »). Et pourtant aussi, la même semaine, nos agriculteurs ont manifesté devant les magasins d’une grande surface pour se plaindre d’y trouver en promotion du bœuf argentin à un prix absolument intenable pour eux.
Ces trois faits, DHL, crise énergétique et inquiétude légitime de nos agriculteurs se sont même retrouvés côte à côte dans les journaux. Et personne, pas un parti, pas un journaliste n’a fait le lien entre eux. Comme si on pouvait à la fois préserver et développer un élevage de qualité et de proximités, être économe en matière d’énergie, préserver les riverains des nuisances sonores, et assurer le développement d’une entreprise de fret aérien.
Autre sujet d’actualité, le projet de constitution européenne soumis à la ratification des Etats membres. Grappe constate entre autre (voir les citoyens européens ont besoin d’une autre constitution) qu’on retrouve dans ce texte le même type d’erreur que dans le dossier DHL. En effet, il donne l’illusion qu’il est possible dans le même temps et d’encourager l'intégration de tous les pays dans l'économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international, et d’assurer le développement durable. Sans se poser la question de la hiérarchie des valeurs qui doivent dominer nos choix et en postulant finalement que les choses peuvent s’arranger d’elles-mêmes sous les bienfaits du libre-échange, l’Europe se dote d’une mission impossible.
Pour ceux qui douteraient de ce propos, je voudrais les renvoyer au dossier OGM que j’estime très exemplatif. Partant du postulat qu’il est possible de faire coexister les cultures OGM et les cultures conventionnelles ou biologiques, la Commission propose que soit autorisée dans les semences conventionnelles la présence de semences génétiquement modifiées pour autant qu'un seuil de contamination ne soit pas atteint. Ce seuil est, dans tous les cas, largement supérieur au seuil de détection (qui est au maximum de 0,1%). La commission renonce ainsi à garantir la pureté totale des lots de semences alors qu’aucune réponse satisfaisante n'a été apportée à des questions essentielles comme celle de la contamination des cultures non-OGM ou de la responsabilité civile des producteurs et des utilisateurs d'OGM à l'égard des tiers et de l'environnement.
Pour sortir de cette myopie qui nous mène régulièrement à des impasses ou à des choix tellement alambiqués qu’ils en deviennent absolument inopérants, le débat sur les valeurs et le choix de société qu ‘elles sous-tendent s’impose une fois de plus.
C’est fort de cette conviction que le Grappe va entamer toute une série d’action publique avec son premier colloque : Quel monde voulons-nous pour demain ? A partir de l’œuvre d’Illich et grâce à l’apport de nombreux intervenants (en savoir plus et y participer) nous nous ré-interrogerons sur
• La marchandisation de la santé et le droit au soin pour tous
• La sécurité sociale et l’allocation universelle
• L’éducation et l’école au 21ème siècle
• Energie, ressources et équité
• Sortir du cercle production-emploi-consommation et de la logique de la croissance
Pour en revenir à plus de convivialité ? La suite le 20 novembre.
Pour le GRAPPE :
Michèle GILKINET, présidente.