« Il n’y a pas de vie sans bruit : la forêt, la tempête, le tonnerre, la mer, les cascades bruissent depuis toujours.

Cela dit, du bruit, nous en faisons tout de même trop, beaucoup trop, partout, de plus en plus souvent.

Si nos yeux ont su s’adapter aux énormes variations de lumière qui interviennent quotidiennement depuis que la lumière existe, il n’en est pas de même de nos oreilles. Jusqu’à une époque très récente, le bruit était confiné dans le temps et dans l’espace. Nous n’étions que rarement exposés à des niveaux sonores interférant avec le sommeil, avec la conversation, avec nos activités. Et nous étions encore plus rarement exposés à des niveaux sonores mettant notre système auditif en danger.

Les moteurs, les machines, en bref la civilisation industrielle ont tout changé en moins d’un siècle. Nos oreilles n’ont pas eu le temps de s’adapter. Il est même vraisemblable que le changement est beaucoup trop brutal pour que la moindre adaptation puisse avoir lieu. Ce n’est pas au bruit que nous nous adaptons, c’est à la souffrance qu’il nous inflige. S’agit-il alors d’une véritable adaptation? Ne s’agit-il pas plutôt d’une acceptation, d’une inhibition devant ce que nous considérons comme une fatalité inéluctable. En cette fatalité, nous ne voulons plus croire. Plutôt que de nous soumettre à ce vacarme, nous préférons rêver de silence – d’un silence de vie, où les machines ne feront plus taire les hommes.

Si nous ne voulons pas que le bruit d’aujourd’hui devienne le cauchemar de demain, c’est ce rêve de silence qu’il nous faut, aujourd’hui, transformer en réalité de demain.

La technologie existe. Reste à inventer une volonté politique pour empêcher la construction de logements autour des aéroports ou implanter ces aéroports loin des hommes ; volonté politique également pour interdire les atterrissages et les décollages nocturnes.

La lutte contre le bruit est une œuvre de longue haleine. Puisse-t-elle au moins porter ses fruits pour nos enfants. »

Tiré de "Le temps du Bruit" d'A. Alexandre et JP Barde, paru chez Flammarion en 1973
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