--> Les ménages belges et les économies d'énergie : les critères sociaux et personnels pèsent davantage que les aspects financiers
Résultats d'une étude UCL-VITO (
cliquez ici pour accéder à l'étude))
Bruxelles, le 30 mai 2006 - Comment les ménages belges consomment-ils l'énergie ? Quelle image se font-ils de leurs pratiques ? Quelle est leur capacité à diminuer la consommation d'énergie domestique ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles une équipe de démographes et de sociologues de l'UCL, des ingénieurs du VITO (Vlaamse Instelling voor Technologisch Onderzoek) et un partenaire danois ont tenté de répondre. Financée par la Politique scientifique fédérale, l'étude « La consommation d'énergie dans le secteur résidentiel : facteurs socio-techniques », tente de comprendre quels sont les facteurs socio-économiques et techniques qui expliquent les changements et les résistances aux changements dans ce domaine.
La Belgique est un des pays européens où la consommation totale d'énergie par habitant est la plus élevée. En matière de chauffage, elle est très élevée par rapport aux pays voisins tandis que l'isolation des logements est une des plus mauvaises d'Europe . Cette consommation résidentielle représente actuellement un quart de la consommation totale en Belgique mais l'efficacité énergétique dans ce secteur n'a progressé que de 5%, soit moins que dans les autres secteurs et moins que chez nos voisins européens.
Avec un parc immobilier très âgé et généralement mal isolé, 15% des logements équipés de chaudières qui ont vingt ans et plus, des doubles vitrages présents dans deux logement sur trois seulement, le potentiel d'économies d'énergie dans le secteur résidentiel belge est important : les auteurs de l'étude l'évaluent à 32% pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire, à 19% pour l'électricité. Reste à voir quels sont les facteurs qui permettraient d'atteindre ou de s'approcher de ces résultats.
D'une manière générale, les Belges sous-évaluent l'impact de leur consommation énergétique sur l'environnement et reportent volontiers la responsabilité en matière d'effet de serre sur d'autres secteurs ou acteurs. D'autre part, au sein d'un même ménage, les dynamiques de consommation varient selon qu'il s'agit de chauffage, d'eau chaude ou d'électricité. On constate en outre que les personnes sont moins soucieuses de faire des économies d'énergie ou des gains financiers que de répondre à des critères qui relèvent de la sphère sociale ou personnelle : la politique énergétique (ou son absence, comme c'est le cas en Belgique.), la pression du marché et celle qui pousse à consommer, la valeur du confort, les routines quotidiennes, les réseaux d'appartenance, le revenu, le sentiment d'une capacité d'action - ou un sentiment d'impuissance. - les valeurs environnementales, les facteurs d'identité, les aspects techniques,. sont autant de facteurs qui conduiront à augmenter ou à réduire la consommation. Une certitude : la recherche d'économies financières n'est pas une motivation dominante ; pour certains, pareille préoccupation apporterait même une ombre à leur statut.
Les auteurs de l'étude constatent aussi que les leviers susceptibles de modifier les comportements sont multiples et reliés entre eux ; autrement dit, aucun ne se suffira à lui-même. Les primes, par exemple, sont efficaces si elles sont combinées à d'autres facteurs. Par contre, un seul frein suffira pour dissuader le consommateur d'entreprendre une action.
Dans la même ligne, le même facteur peut être vécu comme un frein ou comme un levier : les habitudes acquises dans l'enfance, la préoccupation pour l'environnement (qui devient un frein par souci « de ne pas exagérer »), la facilité (un thermostat par ex), les experts, le soutien de l'entourage et des proches,. jouent un rôle positif ou négatif.
La connaissance par le public de l'impact de la consommation d'énergie sur le réchauffement du climat apparaissait, au début de la recherche, comme un facteur important. Or il est apparu que les Belges disposent d'un (très) bon niveau de connaissance en la matière. Pourtant, les pratiques ne suivent pas. Les 40 ménages ayant bénéficié d'un audit dans le cadre de la recherche se sont montrés très satisfaits des conseils personnalisés donnés par les experts indépendants. Comment expliquer alors que 11% seulement des conseils étaient suivis après un an ? Les chercheurs pointent plusieurs explications : l'incohérence entre les informations reçues de l'auditeur et d'autres personnes de confiance (chauffagiste, architecte, parents jugés compétents,.), le manque de connaissances et de conseils très pratiques en matière d'isolation, l'insuffisance du soutien de l'entourage. Les personnes interrogées considèrent aussi que les économies sont davantage le résultat d'investissements (par l'achat d'électroménager A+ par ex) que de comportements quotidiens.
Forts des résultats obtenus, les auteurs de la recherche adressent aux pouvoirs politiques des recommandations basées sur les perceptions recueillies au cours des entretiens. Les personnes interrogées estiment tout à fait légitime que des politiques énergétiques soient mises en place car, disent-ils, il appartient aux pouvoirs politiques de favoriser le bien-être des générations actuelles et futures. Il apparaît donc nécessaire de prendre des mesures fortes, à condition qu'elles soient cohérentes entre les différents niveaux de pouvoir et que ceux-ci donnent l'exemple. Les campagnes d'information, conclut la recherche, sont loin d'être la panacée : mieux vaut jouer sur le cercle vertueux des pratiques économes en énergie qui en enclencheront d'autres, pour autant que le contexte, les médias et l'entourage soutiennent les ménages dans leurs actions.