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Bruxelles-National: Gestion du trafic aérien - Bruxelles, un cas à part
Polluée par le communautaire, la gestion du trafic aérien à Bruxelles apparaît comme une anomalie dans le paysage européen. Rares sont les aéroports où l'on prend aussi peu en considération la sécurité et le nombre de personnes survolées
Une solution est-elle encore imaginable ? Malgré le travail préparatoire d'une commission d'experts et après des mois de discussions et des semaines de négociations " au finish ", le dossier des nuisances sonores liées au survol de Bruxelles est dans l'impasse la plus totale. Négociateurs mandatés par le gouvernement bruxellois, le ministre-président Charles Picqué (PS) et la ministre Evelyne Huytebroeck (Ecolo) ont jugé inacceptables les dernières propositions de Renaat Landuyt. Le ministre fédéral de la Mobilité (SP.A), qui avait initialement qualifié de " constructif " le plan bruxellois, s'est peu à peu aligné sur les thèses radicales de la Région flamande, pourtant invalidées par Belgocontrol, l'organe chargé du contrôle aérien.
Dans sa dernière note de " compromis ", Landuyt a ainsi suggéré de faire décoller tous les avions, du samedi à 15 heures au dimanche à 7 heures du matin, sur la piste 25 gauche, jamais empruntée jusqu'ici et dangereuse, car utilisable, dans le sens du décollage, sur une partie seulement de sa longueur ; et, le dimanche, de 7 à 15 heures, la courte piste diagonale 20 serait mise en service, en contradiction avec un arrêt du Conseil d'Etat. La note du ministre fédéral mentionne en effet l'exigence flamande d'une période de 24 heures par week-end " sans survol de Diegem " (et, donc, du Noordrand, la périphérie Nord de la capitale), répit dont ne bénéficieraient pas Bruxelles et les riverains de l'Oostrand (la périphérie Est), survolés en permanence.
Le mois dernier, Belgocontrol avait signifié la faisabilité technique du projet bruxellois de prolonger les procédures de nuit jusqu'à 7 heures du matin (au lieu de 6 heures), afin de réduire les nuisances. Le ministre semblait d'accord, mais il n'envisage finalement cette prolongation que 4 nuits par semaine, ce qui compliquerait encore la vie des pilotes, déjà perturbés par la complexité du " plan Anciaux ", adopté en décembre 2003. La Région flamande maintient par ailleurs son idée d'utiliser simultanément la route du ring et celle du canal les week-ends. Les experts ont pourtant signalé que ce schéma pouvait entraîner des collisions au-dessus de Drogenbos.
Dépités par l'absence d'accord, les négociateurs bruxellois ont assuré, une fois de plus, que la Région " ne pourrait reporter indéfiniment la question des astreintes "à réclamer à l'Etat pour les infractions au bruit commises par certains avions survolant la capitale. Mais ce moyen de pression, validé par la cour d'appel de Bruxelles, se révèle être un pistolet à eau. Car Yves Leterme, le ministre-président flamand, a affirmé que son parti, le CD&V, se retirerait du gouvernement bruxellois si celui-ci exigeait le paiement des astreintes. Bruxelles se retrouve prise au piège. D'autant que le fédéral montre lui aussi les crocs : Didier Reynders (MR), le ministre des Finances, a laissé entendre qu'il pourrait déduire le montant des astreintes de l'enveloppe " Beliris ", l'accord de coopération qui octroie des moyens financiers supplémentaires à la capitale. La gestion des nuisances sonores apparaît dès lors de moins en moins comme la priorité dans ce conflit, où l'irrationnel et le communautaire ont pris le dessus.
Zaventem sur liste noire ?
Les associations de riverains relèvent d'ailleurs qu'aucun des compromis envisagés lors de ces négociations ne respecte les décisions de justice et ne tient compte de la densité de population survolée. De plus, d'autres recours sont toujours en délibéré : devant le Conseil d'Etat pour l'annulation pure et simple du plan Anciaux ; en cour d'appel pour non-respect des recommandations pourtant contraignantes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ; et, en première instance, contre l'utilisation intensive de la " petite " piste 20 pour les décollages. L'insécurité juridique persiste donc, tandis que les pilotes belges, eux, menacent d'inscrire Zaventem sur la liste noire des aéroports internationaux les plus dangereux. En cause : l'utilisation illogique des pistes dans le seul but d'assurer une politique de dispersion des nuisances. Par le passé, Hongkong avait ainsi été pointé du doigt : les autorités locales ont dû construire un nouvel aéroport. De même, Oslo a dû réaménager des pistes parce que les anciennes étaient trop petites et en pente. Munich a, de son côté, éloigné son aéroport de la ville.
La majorité des aéroports européens doivent respecter des normes de bruit. A Londres et à Paris, dont les aéroports sont susceptibles de concurrencer directement Bruxelles-National, des quotas de bruit saisonniers ont été instaurés. En outre, plusieurs aéroports du continent ont créé des périodes qualifiées de " pré-nuit " et de " post-nuit ", où sont appliquées des limitations d'exploitation plus souples que les restrictions nocturnes. Les riverains bénéficient ainsi, en soirée et au petit matin, d'un repos relatif. Rien de tel à Bruxelles où, peu après 6 heures du matin, des Boeing-747 cargos partis de la piste 25 droite réveillent des milliers d'habitants, tandis qu'une volée d'autres appareils bruyants (DC-10...) décollent peu avant 23 heures.
D'après une étude récente de Biac, la société gestionnaire de l'aéroport national, le nombre total des vols de nuit à Zaventem chutera, en 2008, de 25 000 à 14 000 par an, suite au déménagement prévu de la compagnie de courrier DHL vers Leipzig. Pour autant, l'interdiction des vols de nuits, réclamée par toutes les associations de riverains (à l'exception d'Actie Noordrand), n'est pas une solution envisagée par le gouvernement fédéral. Biac évoque régulièrement les conséquences néfastes qu'une telle restriction aurait sur l'emploi. D'autres aéroports européens, et non des moindres, ont pourtant établi une période de calme absolu : à Paris-Orly, " couvre-feu " de 23 h 30 à 6 h 15 ; à Genève et à Zurich, de minuit à 6 heures ; à Munich, de minuit à 5 heures ; à Francfort, les atterrissages sont interdits dès 23 heures. Quant aux aéroports ouverts 24 heures sur 24, ils ont, le plus souvent, pris des mesures pour réduire les nuisances : le nombre de vols nocturnes est limité à Heathrow(Londres) ; les avions les plus bruyants sont interdits la nuit à Paris-Charles-de-Gaulle ; et Schiphol (Amsterdam) a inauguré, en mars 2004, une piste supplémentaire à 3,5 kilomètres de l'aéroport, au milieu des polders...
Bruxelles est le seul aéroport européen à avoir retenu le principe d'une dispersion maximale du trafic, de jour comme de nuit, quelle que soit la densité de population des zones survolées. Ailleurs, les routes de départ évitent, autant que possible, les agglomérations, constate une analyse comparative établie en février 2004 pour le compte d'Ecolo. Ainsi, à Genève, les procédures de décollage et d'atterrissage sont régulièrement révisées de manière à limiter le nombre de personnes exposées au bruit ; le survol des villes de Francfort et de Paris est, en principe, interdit la nuit. Heathrow est le seul aéroport relativement proche d'une grande zone urbaine qui recourt à l'utilisation alternée de deux pistes de décollage dans un but de " répartition ". Cette procédure n'est toutefois appliquée que lorsque les avions décollent dans le sens opposé à l'agglomération londonienne. " Face à ces constats, remarque l'étude d'Ecolo, la politique de dispersion des vols de nuit et les survols réguliers de Bruxelles non justifiés par des impératifs de sécurité apparaissent comme une originalité dans le paysage européen. " Un expert en aéronautique confirme que Bruxelles-National est, avec Luxembourg et Lisbonne, un des aéroports du continent qui prend le moins en compte les aspects environnementaux.
Source: Vif 10-11-2005 O R-ogeau
Ecrit par ChercheInfo, le Jeudi 10 Novembre 2005, 13:07 dans la rubrique "Bruit et pollution des avions ".
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