--> Wallonie, pays vert, calme et serein, où il fait bon vivre... "Pourquoi" ou "pour quoi" sacrifier cela? Pour un aéroport?
Un article de Vincent Engel, paru dans le Soir de ce jour.
Le concept de "plan Marshall" pour la Wallonie est révélateur de l'image que l'on se fait de cette région : un pays sinistré qui a le potentiel pour s'en sortir, à condition d'être aidé. Le plan Marshall, c'est le lendemain de la guerre ; la Wallonie, dans l'esprit de beaucoup, est en retard d'une ou deux guerres. Celle de la reconversion de son industrie, particulièrement ; mais aussi celle d'une place à conquérir dans la Belgique fédérale. " Ce sera dur, mais les Wallons s'en sortiront. " Tel était le slogan politique, il y a vingt ans. L'idée de Di Rupo semble être une variation d'une loi de Murphy : c'est quand on voit le bout du tunnel que le plafond s'effondre.
La Wallonie, c'est tout d'abord une géographie contrastée. Des coins magnifiques, verts, aux maisons confortables et accueillantes ; des corons dans des friches industrielles. Les forêts calmes et désertes du Luxembourg, les champs du Brabant wallon qui fondent sous la chaleur immobilière, à tel point que l'on croirait que la population belge croît de 20 % chaque année. Une surface réduite, mais des mentalités divergentes ; une ardeur d'avance pour le sanglochon, des violons de l'automne pour Charleroi. Des tribus reconnaissables à leurs accents et leurs traits caricaturaux : les Ardennais têtus, les Borains carnavalesques, les Picards grandes gueules, les Carolos méridionaux, les lents Namurois, les Liégeois hautains, les riches Brabançons. Une région où les disparités sont un condensé de ce qui prévaut entre les régions riches et pauvres d'Europe. Et un trait commun pour tous ces fiers Gaulois : une bonhomie teintée de désinvolture qui n'incite pas à être pris au sérieux - ce qui, en affaires, n'en est pas toujours une bonne, d'affaire.
La Wallonie, ce sont aussi ses politiciens. Comme pour les fromages belges, on y trouve un peu de tout. D'abord les baronnies, dont on parle tant, ces petits fiefs électoraux pétris de petit clientélisme, ces ténors de parti presque unique qui se font la guéguerre pour placer leur fils. Mais aussi des gens qui travaillent énormément sans être des " dikke neks ", au contraire de leurs collègues français. Des hommes et des femmes qui, quel que soit leur parti, se connaissent et sont prêts à travailler ensemble, un coup à gauche, un coup à droite, dans le respect de la règle des trois " c " : " consensualité profonde ", " conflit de surface " et " conservation du pouvoir ". Des politiciens socialistes et libéraux qui jettent les bases d'un " Contrat d'Avenir " pour la Wallonie, lequel contrat, prolongé par les socialistes et les ex-sociaux-chrétiens, est aussitôt critiqué par les libéraux. Mais c'est pour rire : Kubla était le premier à venir serrer la main de Van Cauwenberghe et du Roi lors de la présentation du contrat. Sauf qu'on ne sait plus de quoi on rit : du contrat ou des critiques ?
La Wallonie, ce sont enfin ses industries, ses chercheurs et ses artistes. Et ses sportifs. Ceux qui cartonnent et dont on parle peu ; ceux dont on parle beaucoup et qui ne font pas grand-chose. Sans doute ni plus ni moins de réussites qu'ailleurs en Europe, mais une méfiance atavique face à ces succès ; est-ce bien vrai ? Y a pas un truc ? Est-ce que ça va durer ? Et la difficulté de dégager les axes du progrès.
Alors que l'atout majeur de la Wallonie, pour ses habitants, est sans doute l'offre d'un habitat de qualité, ses responsables acceptent sans broncher que les nuisances d'un aéroport qui n'apporte presque rien à la région soient reportées sur ses habitants.
Wallonie, pays vert, calme et serein, où il fait bon vivre, à tout âge ; havre de paix au coeur de l'Europe, près de tout mais préservé. Cette richesse-là est sous nos yeux, entre nos mains. Il suffirait de la protéger et de l'amplifier. Oufti ! avec quoi il vient, celui-là...
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